
22/06/2020 par LC Expert immobilier - Expert en évaluations immobilières 17 Commentaires
L’usucapion ou prescription acquisitive
L’usucapion ou prescription acquisitive est le fait pour le possesseur d’un bien immobilier (appartement, maison, terrain, immeuble, etc …) d'acquérir juridiquement un droit réel (droit de propriété) sur ce bien, après l'écoulement d'un certain délai durant lequel il s’est comporté comme le propriétaire, sans en avoir le titre.
A cet égard, l’article 2272 du Code civil dispose : « Le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans. Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans. »
La prescription acquisitive trentenaire est caractérisée lorsqu’elle répond à un certain nombre de conditions tenant à la possession de l’immeuble.
En effet, l’article 2261 du Code civil dispose que : « pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ».
A cet égard, la Cour de cassation a jugé que : « la prescription acquisitive n’a ni pour objet ni pour effet de priver une personne de son droit de propriété ou d’en limiter l’exercice mais confère au possesseur, sous certaines conditions, et par l’écoulement du temps, un titre de propriété correspondant à la situation de fait qui n’a pas été contestée dans un certain délai ; que cette institution répond à un motif d’intérêt général de sécurité juridique en faisant correspondre le droit de propriété à une situation de fait durable, caractérisée par une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire. » (Cass. civ. III, 12 octobre 2011, n° 11-40.055)
Par conséquent, pour pouvoir prescrire, la possession doit donc être :
- continue : c’est-à-dire être « exercée dans toutes les occasions comme à tous les moments où elle devait l’être après la nature de la chose possédée, sans intervalles anormaux assez prolongés [pas plus de 1 an ] pour constituer des lacunes et rendre la possession discontinue. » (Cass., 11 janvier 1950)
- paisible : autrement dit, le possesseur ne doit pas appréhender le bien immobilier par la force, la violence ou encore par une voie de fait. Ainsi, l’article 2263 du code civil prévoit que « Les actes de violence ne peuvent fonder non plus une possession capable d’opérer la prescription. La possession utile ne commence que lorsque la violence a cessé.»
- publique : elle doit être connue de tous et ne doit pas être dissimulée.
- non équivoque : le possesseur doit manifester sans ambiguïté son intention de se comporter comme le propriétaire.
- exercée à titre de propriétaire : les locataires, dépositaires, usufruitiers et toutes autres personnes qui détiendraient précairement le bien ou le terrain sont juridiquement dans l’impossibilité de se prévaloir valablement d’une quelque prétention sur le fondement de la prescription acquisitive.
Enfin, il convient de relever que la bonne foi du possesseur n’est pas une condition pour acquérir au bout de trente ans.
La Cour de cassation définit la bonne foi comme étant la croyance de l’acquéreur du bien, au moment de l’acquisition, de tenir la chose du véritable propriétaire. (Cass. Civ. III, 18 janvier 1972)
La bonne foi permet simplement de gagner du temps sur la prescription acquisitive du bien immobilier et de permettre au possesseur de n’attendre qu’un délai de 10 ans au lieu de 30 ans pour acquérir ledit bien.
La prescription trentenaire ne s’applique que lorsque le possesseur est de mauvaise foi.
Or, si la bonne foi est présumée, le possesseur est considéré comme étant de mauvaise foi dès lors qu’il occupe les lieux en sachant qu’il n’est pas le titulaire du droit qu’il exerce.
Cette situation se présente notamment lorsque le possesseur ne bénéficie d’aucun titre de propriété ou lorsque son titre n’est pas considéré comme régulier.
Dés lors que le possesseur est de mauvaise foi, il se voit alors appliquer le délai de prescription de droit commun (30 ans).
Toutefois, le fait d’être de mauvaise foi n’a aucune incidence sur la prescription acquisitive et ne pourrait venir remettre en cause la possibilité pour le possesseur de prescrire.
En ce sens, les règles de la prescription acquisitive en matière immobilière dérogent aux règles en matière de droit contractuel.
En effet, la particularité du mécanisme de la prescription acquisitive en matière immobilière réside dans le fait que même en étant de mauvaise foi, il n’est nullement interdit au possesseur de devenir propriétaire de l’immeuble par usucapion.
Surtout, l’article 2258 du Code civil prévoit qu’on ne peut opposer à celui qui invoque le bénéfice de l’usucapion « l’exception déduite de la mauvaise foi ».
Par conséquent, une personne qui, sans disposer d’un quelconque titre de propriété, a occupé pendant au moins une durée de trente ans un bien immobilier ou un terrain, en sachant qu’elle n’en était pas propriétaire, peut, au terme de ce délai, en devenir le propriétaire par la voie de l’usucapion et au détriment du propriétaire légitime du bien.
Outre ces conditions préalables, l’acquisition de propriété par prescription nécessite obligatoirement une action en usucapion, par la voie de l’avocat du possesseur, devant le président du tribunal judiciaire afin d’être reconnue en tant que telle et de produire tous ses effets.
En effet, la prescription acquisitive sur un bien immobilier ne s’applique pas automatiquement.
La revendication par le possesseur d’un droit de propriété sur un bien immobilier par la voie de l’usucapion pourra se faire de deux manières :
- soit en engageant une action judiciaire pour faire constater que le bien immobilier lui est acquis,
- soit en opposant à l’action en revendication engagée contre lui par le véritable propriétaire du bien immobilier, une fin de non-recevoir tirée de la prescription acquisitive.
À cet effet, le possesseur devra être en mesure de prouver qu’il a parfaitement rempli toutes les conditions visées précédemment et ce pendant toute la période où il a « possédé » le bien immobilier.
La preuve de la possession du bien immobilier peut être faite par tous moyens et notamment par témoignages et attestations.
La prescription acquise a un effet rétroactif de sorte que le possesseur est considéré comme propriétaire du bien immobilier rétroactivement depuis le jour où il a occupé ledit bien.
Le cas échéant, le jugement devra être publié au service de publicité foncière, permettant notamment de disposer d’un acte authentique et éventuellement pouvoir vendre le bien en tant que propriétaire reconnu.
Au cas par cas, il appartiendra aux juges de constater ou non l’existence de la propriété acquise par usucapion.
A cet égard, le 3 octobre 2012, la Cour de cassation a jugé que : " ayant souverainement retenu qu'il résultait des attestations produites la preuve que les actes de possession dont se prévalait M. X avaient été accomplis pendant plus de trente ans avec la volonté de se comporter en seul et unique propriétaire, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision " (Cass. Civ. III, 3 octobre 2012, n°11-16405).
De plus, concernant la preuve de l’usucapion, il ressort d’un arrêt de la Cour de cassation du 14 janvier 2015 que l’acte de notoriété acquisitive d’un immeuble ne suffit pas à prouver l’usucapion et nécessite la preuve de l’usucapion dans tous ses éléments, tels qu’exposés précédemment (Cass, Civ III, 14 janvier 2015, n°13-22256).
En cas d’insuffisance du délai de possession, le possesseur est autorisé à se prévaloir la règle posée à l’article 2265 du Code civil qui dispose que « pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu’on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux. »
Aussi ressort-il de cette disposition que les durées de possession du bien en cas de possesseurs successifs s’additionnent. C’est la jonction des possessions. Ce mécanisme est admis, quels que soient les modes de transmission de la possession.
Mais il faut opérer une distinction entre les ayants cause à titre universel et les ayants cause à titre particulier :
Si le possesseur est un ayant cause à titre universel : il ne fait que continuer la personne du défunt et sa possession. Ainsi, la durée de la prescription sera de 10 ans si le défunt était de bonne foi et avait un juste titre, et de 30 ans dans le cas contraire. Il n’y a donc pas de jonction des possessions, puisqu’il n’y a qu’une seule possession qui se prolonge.
- Si le possesseur est un ayant cause à titre particulier : il commence une nouvelle possession, distincte de la précédente. Mais la jonction des possessions est parfois possible. Il faut distinguer plusieurs cas :Si les possessions sont de même qualité : Il s’agit soit du cas où le premier possesseur et l’ayant cause ont un juste titre et sont de bonne foi, soit du cas où, à l’inverse, le premier possesseur et l’ayant cause sont tous deux de mauvaise foi ou n’ont pas de juste titre. Dans ces deux cas, il y a jonction des possessions pour atteindre, selon les cas, la prescription trentenaire ou la prescription abrégée.
- Si les possessions sont de qualité différente : Il peut y avoir jonction des possessions, mais seulement pour atteindre une prescription trentenaire. Exemples :Si le premier possesseur était de bonne foi et avait un juste titre, mais que l’ayant cause n’est pas de bonne foi, ce dernier ne peut prescrire que par 30 ans mais peut joindre à sa possession la durée de possession du premier possesseur. Ainsi, si le premier possesseur avait prescrit pendant 9 ans, il restera seulement 21 ans de prescription à l’ayant cause.
Si le premier possesseur était de mauvaise foi, mais que l’ayant cause est de bonne foi et a un juste titre, ce dernier dispose d’une option : il peut soit prescrire par 10 ans sans joindre à sa possession celle du premier possesseur, soit décider de prescrire par 30 ans en joignant à sa possession celle du premier possesseur. Cela aura un intérêt lorsque le délai restant de prescription est inférieur à 10 ans (si le premier possesseur a prescrit pendant 22 ans par exemple).
Dans cette perspective, afin de renforcer le titre de propriété de l’acquéreur d’un bien immobilier, les notaires s’attachent toujours à retracer dans l’acte de vente la chaîne de propriété en remontant à jusqu’à l’origine trentenaire.
Sources : L'usucapion (ou prescription acquisitive) : définition, conditions et effets (fiches-droit.com)
La prescription acquisitive des immeubles – A. Bamdé & J. Bourdoiseau (aurelienbamde.com)
Possession: les règles de calcul du délai de la prescription acquisitive – A. Bamdé & J. Bourdoiseau (aurelienbamde.com)
Le 22 juin 2020
Commentaires
15/08/2021 par sire de vilar Hubert
Lors d'une operation de bornage il est apparu une occupation irreguliere avec construction de batiment prefabriquè sur ma parcelle contigue. Le voisin peut-il revendiquer l'usucapion contre mon droit de proprietè ?
16/08/2021 par fab
Voici un article sur le sujet. http://www2.droit.univ-paris5.fr/atelier_clinique_juridique/wp-content/uploads/2017/09/Empie%CC%80tement-par-Alexandru-Suveico-mai-2017-VDEF.pdf Je vous invite à contacter un avocat.
12/12/2021 par boulard david
au premier jour d’usucapion, faut il se déclarer au impôt pour payé la taxe d'habitation pour l'occupation du logement.se déclarer à la poste,pour l'adresse et la mairie, pour mon droit à l'usucapion . merci
12/12/2021 par fab
Je vous invite à contacter un avocat. Cordialement
31/05/2022 par FRONTIL
comment devient-on "possesseur"" d'un terrain que l'on entretient depuis 22 ans?
01/06/2022 par fab
Le délai de prescription est de 30 ans. L’acquisition de propriété par prescription nécessite obligatoirement une action en usucapion, par la voie de l’avocat du possesseur, devant le président du tribunal judiciaire afin d’être reconnue en tant que telle et de produire tous ses effets.
06/08/2022 par Gisèle PHILIPPE
Votre article est très intéressant... mais qu'en est-il quand une personne ignore qu'elle est propriétaire d'une parcelle A et qu'elle l'apprend parce que quelqu'un invoque l'art 2261 CC en se déclarant possesseur depuis 21 ans ? En effet, quand il est devenu propriétaire de la parcelle voisine B, il a pensé qu'il était propriétaire de la parcelle A et l'a entrenue comme un bon père de famille... comme il veut vendre, il a du découvrir son erreur mais veut en profiter pour acquérir par voie de prescription courte en invoquant l'art 2261.... le problème c'est l'ignorance de bonne foi du véritable propriétaire... Merci de votre réponse.GP
06/08/2022 par fab
Il est impossible de répondre sans connaître tous les faits. S'agissant d'une procédure judiciaire, je vous invite à contacter un avocat. Cordialement
05/10/2022 par Mohamed
Cool
02/11/2022 par MICHELLE MATHIEU
Madame, Monsieur J'ai un voisin qui a enclavé mon cimetière de famille dans sa propriété. C'est lui qui l'entretien sans que je lui ai demandé. Il le fait dans le but de se l'approprier. J'ai fait faire un Constat d'huissier, mais l'avocat ne bouge pas. Je ne comprends pas ce qui se passe. Merci de m'éclairer dans ce labyrinthe des lois
03/11/2022 par fab
Bonjour, Voici un article sur le sujet https://www.lanouvellerepublique.fr/france-monde/si-le-terrain-est-en-vente-que-devient-le-cimetiere-familial Je vous invite à contacter le conciliateur de justice. Cordialement
09/01/2023 par Nina
Bonjour Je suis propriétaire d'une maison construite depuis 1994 sur un terrain appartenant à mon père. La propriété a toujours été entretenue en bon père de famille, des arbres fruitiers plantés par mes parents aujourdhui décédés. Comment faire pour disposer prescription de 10 ans au lieu de 30 ans ?
10/01/2023 par fab
Bonjour, Contactez un avocat qui après étude du dossier pourra vous renseigner. La bonne foi est un élément primordial la bonne foi est définie comme étant la croyance de l’acquéreur du bien, au moment de l’acquisition, de tenir la chose du véritable propriétaire. (Cass. Civ. III, 18 janvier 1972) ce qui n'est a priori pas votre cas. Cordialement
06/02/2023 par A JORDIS LOHAUSEN
Est-ce que ces dispositions du Code Civil sont toujours valables compte tenu de la legislation des dernières années à ce sujet?
07/02/2023 par fab
Oui, mais il faut aussi tenir compte de la jurisprudence. Cordialement
15/02/2023 par Elen Laumme
Bonjour ma voisine prétend être propriétaire d une parcelle car elle occupe le terrain depuis plus de 30 ans. Mais sur le plan de cadastre un autre nom de propriétaire y figure. Cela est il possible ?
16/02/2023 par fab
Bonjour, Il peut y avoir des erreurs, le cadastre n'a pas de valeur juridique, il faut se faire une demande auprès de la publicité foncière pour connaître le propriétaire. Cordialement
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