
16/09/2019 par LC Expert immobilier - Expert en évaluations immobilières 0 Commentaires
L'indemnité d'expropriation
L'expropriation est une procédure qui permet à une personne publique (État, collectivités territoriales...) de contraindre un particulier ou une personne morale (entreprise) à céder la propriété de son bien, moyennant le paiement d'une indemnité. Cette procédure contribue notamment à la réalisation d'ouvrages publics (équipements sociaux, réseaux d'assainissement...).
La contrepartie de ce transfert opéré sous la contrainte est le paiement à la personne dépossédée d’une juste et préalable indemnité.
L’article L. 1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique prévoit en effet que : « L'expropriation, en tout ou partie, d'immeubles ou de droits réels immobiliers ne peut être prononcée qu'à la condition qu'elle réponde à une utilité publique préalablement et formellement constatée à la suite d'une enquête et qu'il ait été procédé, contradictoirement, à la détermination des parcelles à exproprier ainsi qu'à la recherche des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres personnes intéressées.
Elle donne lieu à une juste et préalable indemnité. »
L'autorité expropriante notifie le montant de ses offres et invite les expropriés à faire connaître le montant de leur demande. A défaut d'accord sur le montant des indemnités, celles-ci sont fixées par le juge de l'expropriation saisi par la partie la plus diligente selon les modalités prévues par l’article L. 311-6 du code de l’expropriation.
L’article L. 321-1 de ce code prévoit que : « Les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation. »
Les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation (C. expr. art. L 321-1). Les indemnités sont fixées en espèces (C. expr. art. L 322-12), sauf accord exprès de l'exproprié (Cass. 3e civ. 31-5-2000 n° 99-70.054 : AJDI 2001 p. 154 ; Cass. 3e civ. 26-9-2006 n° 05-17.221 : AJDI 2007 p. 402).
Il n'y a pas de réparation en nature après une expropriation Cass. 3e civ. 31-3-2019 n° 18-10.745 FD, A. c/ Cne de Ploubezne BPIM 3/19 Brève
Si l'individu exproprié doit obtenir une indemnisation raisonnablement en rapport avec la valeur du bien dont il a été privé il importe de garder à l’esprit qu’il est admis que des objectifs légitimes d'utilité publique peuvent militer pour un remboursement inférieur à la pleine valeur marchande du bien (CEDH, 22 avril 2002, Lallement c/ France, § 18, n° 46044/99 ; CEDH 4 novembre 2010, Dervaux c/ France, n° 40975/07).
L’article L. 321-1 du code de l’expropriation pose le principe selon lequel les indemnités allouées doivent couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.
Seuls sont indemnisables les dommages qui découlent directement de la dépossession. En d’autres termes, seul peut être indemnisé le préjudice qui résulte de l’expropriation par un lien de causalité direct, c'est-à-dire qui a son origine même dans la mesure foncière. A titre d’exemple, est indemnisable la perte par le locataire des améliorations apportées par lui au bien.
De la même façon, il est possible d'indemniser la perte du droit de construire sauf si le préjudice résulte d'une modification du plan d'urbanisme (en vertu du principe de non-indemnisation des servitudes administratives), ou d'un règlement préexistant. Par conséquent, ne sont pas indemnisables les préjudices induits qui ne trouvent pas directement leur cause dans l’expropriation (préjudices en cascades). Bien que cette notion soit subjective, elle reste indépendante de toute circonstance particulière et de personne.
Par principe, seul le préjudice matériel est indemnisable et donc le préjudice moral n'est pas indemnisable car difficilement appréciable. Le préjudice moral qui se réfère à des données d’ordre affectif, sentimental ou psychologique, ne donne pas lieu à indemnisation (Avis du Conseil constitutionnel dans une question prioritaire de constitutionnalité de février 2011). Cependant, certaines formes de préjudices pouvant s'analyser a priori comme un préjudice moral sont indemnisables si elles entraînent une dépréciation de la propriété, considérée comme un élément matériel objectif.
Le juge de l’expropriation se refuse également à prendre en considération un préjudice tel que celui consécutif à la rupture de l’unité familiale (Cass, ch. Temporaire des expro., 29 oct. 1965,
Dame Sicart c. Ville de Paris, Bull. civ. V, n°118, p. 96) ou à l’ancienneté de l’occupation des lieux ( Cass. 3e civ., 20 mai 1972, Cts Bourgeois, Bull. civ. III, n°335, p. 256).
Le propriétaire d’un bien exproprié est fondé à se prévaloir non seulement des différents chefs de préjudices présentant un caractère actuel, mais encore de ceux présentant un caractère futur dès lors que la réalisation de ces derniers est certaine. Est exclue la réparation du préjudice purement éventuel et hypothétique (Cass. 3e civ., 27 avril 2000, AFTRP c/ Trung, n°2000-001680). Ainsi, l’existence d’un gisement ne donne pas lieu à indemnisation dès lors que ce dernier n’est pas exploité ou, tout au moins, qu’il n’est pas susceptible de faire l’objet d’une exploitation (Cass. 3e civ. 15 juin 1988, Cts. Marconnet c/ District urbain de Montbelliard, Bull. civ. III, n°113, p.63).
En matière d’expropriation, les indemnités sont destinées à réparer un préjudice. Dans la majeure partie des cas, le préjudice est calculé en fonction de la valeur des biens dont le propriétaire ou locataire est dépossédé (immeubles bâtis ou non bâtis, meubles, fonds de commerce, droit au bail. Cette valeur représente « l'indemnité principale ». Des indemnités accessoires dont l'indemnité de remploi calculée en proportion de l'indemnité principale sont susceptibles d'être allouées en complément.
Seul le juge de l'expropriation détient toute autorité pour fixer une indemnité. La responsabilité du juge de l'expropriation est double : il doit dédommager les victimes d'expropriation mais il doit également le faire de la manière la plus juste possible.
Sont indemnisables car résultant directement de l'expropriation :
- le préjudice tenant à la bande d'inconstructibilité en bordure d'une autoroute consécutive à l'emprise des voies (Cass. 3e civ. 17-3-1999 n° 97-70.190 : JCP G 1999 II n° 10167) ;
- le préjudice résultant de la nécessité de clôturer les nouvelles parcelles afin de les préserver des intrusions par la voie publique créée sur l'emprise expropriée (Cass. 3e civ. 5-1-2017 n° 15- 25.890 F-D) ;
- le préjudice résultant de la destruction d'une cible et de l'impossibilité de pratiquer désormais le tir à l'arc sur un terrain devenu trop étroit (Cass. 3e civ. 9-2-2000 n° 96-70.155) ;
- le préjudice résultant pour le bailleur à construction de la perte, en cours de bail, de la propriété des constructions du preneur qui devaient lui revenir en fin de bail (Cass. 3e civ. 31-3-2004 n° 02- 15.754 : Bull. civ. III n° 66) ;
- la perte de loyers subie pendant le délai nécessaire pour acquérir un autre bien et le donner à bail (Cass. 3e civ. 7-4-2015 n° 13-27.547 : BPIM 3/15 inf. 179) ;
- la perte d'une autorisation temporaire d'occuper une parcelle sur laquelle était installée une véranda, dont l'utilisation était nécessaire à l'exploitation d'un fond de commerce (Cass. 3e civ. 20-12-2018 n° 17-18.194 FS-PBI : BPIM 1/19 inf. 25) ;
- le préjudice résultant de l'enclavement d'une parcelle à la suite de l'expropriation et se traduisant par la perte de jouissance d'un garage (Cass. 3e civ. 29-3-2018 n° 17-11.507 FS-PBI : BPIM 3/18
inf. 183).
En revanche, ne sont pas indemnisables car constituant un préjudice indirect :
- la gêne occasionnée par la création ou la transformation d'une voie à grande circulation ;
- l'obligation de franchir une nouvelle voie ;
- les frais exposés lors de la réinstallation pour satisfaire à une obligation légale étrangère à l'expropriation ;
- les démarches pour la recherche d'un nouveau logement et l'avance sur loyers au titre du cautionnement ou le versement du dépôt de garantie ;
- le coût de l'obligation légale de dépollution qui pèse sur l'exploitant d'une installation classée à la cessation d'activité (Cass. 3e civ. 22-9-2010 n° 09-69.050 : BPIM 6/10 inf. 449) ;
- les dommages de travaux publics (les préjudices de travaux publics sont réparés par le juge administratif) ;
- la dépréciation des appartements en copropriété du fait de la réalisation d'un ouvrage public au pied de l'immeuble ;
- le surcoût de construction d'un immeuble dû à l'obligation de prévoir des fondations spéciales en raison de l'implantation d'un tunnel RATP à un niveau inférieur (Cass. 3e civ. 6-12-2018 n° 17-24.312 FS-PBI : BPIM 1/19 inf. 26) ;
- l'impôt dû au titre de la plus-value immobilière réalisée (Cass. 3e civ. 11-2-1998 n° 97-70.018 : Bull. civ. III n° 32) ;
- le supplément de droits d'enregistrement pour défaut de construction dans le délai de 4 ans ;
- les intérêts d'emprunt contracté pour l'achat du bien exproprié ;
- les frais résultant d'un remboursement anticipé de prêt contracté pour acquérir le bien exproprié (Cass. 3e civ. 25-2-1998 n° 96-70.044 : AJPI 1998 p. 627) ;
- les frais de mainlevée d'hypothèque ;
- la perte de valeur de revente (Cass. 3e civ. 12-12-2001 n° 00-70.177).
Si aucun accord n'est trouvé ou en cas de non-réponse de l'exproprié dans le délai d’un mois suite à la personne publique compétente, c'est le juge qui fixera par ordonnance le montant de l'indemnité. Le demandeur (première des parties à saisir le juge de l’expropriation) doit notifier sa demande au greffe de la juridiction dont il ressort et en parallèle notifier une copie de sa demande et de son mémoire à l'autre partie (défendeur).
La partie qui n'a pas saisi le juge (défendeur) dispose d'un délai de six semaines à compter de la saisine du juge de l'expropriation pour faire parvenir au juge et au demandeur un mémoire explicitant sa position. Les deux parties sont tenues de montrer devant le juge leurs offre respectives. Le juge ne prendra pas en compte les offres exorbitantes.
Dans les huit jours qui suivent sa saisine, le juge doit décider d'une date pour visiter les lieux et il doit la communiquer aux parties en conflit, au moins quinze jours avant sa visite.
La visite réclame la présence des parties, d'un secrétaire-greffier et du commissaire du gouvernement. Le juge fixe ensuite, en audience publique, la valeur des biens en question. C'est un montant forcément dans une fourchette comprise entre l'évaluation minimale faite par la commune ou l’EPCI compétent (ou l'avis formulé par la direction immobilière de l’État, s'il est inférieur) et le montant maximal exigé par la personne détenteur des droits sur le bien exproprié.
Le Code de l'expropriation ne privilégie aucune méthode d'évaluation de l’indemnité. Il appartient au juge de l’expropriation de statuer souverainement sur le montant des indemnités correspondant aux caractéristiques des terrains expropriés en fonction des spécificités de chaque situation.
En règle générale, les juges de l’expropriation utilisent également la méthode « par comparaison », qui consiste à évaluer le bien en le comparant avec les termes de référence constitués par des mutations de biens de même nature. Servent également d'éléments de comparaison, les accords amiables réalisés dans le périmètre concerné.
Dans tous les cas, les biens doivent cependant être estimés :
- d’après leur consistance à la date du jugement portant transfert de propriété et,
- compte tenu de leur usage effectif à la date dite « de référence ».
L’indemnisation est fixée en fonction de la consistance du bien à la date de l’ordonnance ou du jugement portant transfert de propriété. Les modifications intervenues postérieurement à cette date et de nature à affecter la consistance du bien ne sont par conséquent pas prises en compte.
La notion de consistance doit être entendue au sens large comme englobant tous les aspects matériels et juridiques qui influent directement sur la valeur du bien.
Une exception est cependant à noter. Les améliorations « frauduleuses » ne doivent pas être prises en compte quand bien même elles auraient été prises avant le transfert de propriété. Par
amélioration « frauduleuse », on entend les améliorations de toute nature apportées au bien dans le but d’obtenir une indemnité plus élevée.
L’usage effectif du bien renvoie essentiellement à la qualification de terrain à bâtir et aux possibilités effectives de construction. Pour être qualifié de terrain à bâtir, ledit terrain doit être desservi par des réseaux (voie d’accès, électricité, eau potable) et être situé dans un secteur désigné comme constructible par le PLU.
L’évaluation de l’usage effectif doit se faire à la « date de référence » qui correspond, en matière d’expropriation, à l’usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l’ouverture de l’enquête publique préalable à la DUP.
En tout état de cause, le juge de l’expropriation doit tenir compte des restrictions administratives affectant l’utilisation du bien sauf au cas où l’institution de ces restrictions révèle de la part de la commune ou de l’EPCI compétent une « intention dolosive », c'est-à-dire une volonté délibérée des auteurs du PLU de dévaloriser « artificiellement » les terrains concernés afin d’en obtenir la cession à moindre prix.
Le droit à indemnité prend naissance au moment du transfert de propriété. C'est un droit permettant d'obtenir un dédommagement calculé en fonction de la valeur du bien au jour du jugement, compte tenu de sa consistance ; et de son usage effectif à la date de référence.
Selon l'article L. 321-3 du Code de l'expropriation, le jugement distingue, notamment, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont calculées. Il en résulte que le juge ne saurait fixer l'indemnité globalement, sans distinguer l'indemnité principale et les indemnités accessoires.
L’article L. 321-1 du code de l’expropriation pose le principe selon lequel les indemnités allouées doivent couvrir l’intégralité du préjudice causé par l’expropriation (indemnité principale + indemnités accessoires). La valeur des biens est appréciée en tenant compte de la consistance à la date de l'ordonnance d'expropriation.
Par consistance on entend tous les éléments physiques et matériels qui composent le bien, mais aussi sa situation juridique. Le juge bénéficie d'un pouvoir souverain pour utiliser la méthode d'évaluation qui lui paraît la plus appropriée. Il peut utiliser la méthode de récupération foncière (valeur du terrain rendu nu et libre) alors même qu'il s'agit de l'expropriation d'immeuble bâti notamment lorsque la valeur du terrain rendu nu et libre est supérieure à la valeur de l'immeuble bâti (Cass. 3e civ. 27-4-1988 n° 87-70.003 : D. 1990 som. p. 41).
Le juge doit prendre en compte toutes les caractéristiques physiques et matérielles des biens à évaluer. S'il s'agit d'un immeuble bâti, il doit indemniser la construction principale mais également tous les accessoires et par exemple : appentis, garages, portails ou clôtures (Cass. 3eciv. 29-3-2000 n° 99-70.048 : AJDI 2000 p. 803).
L'expropriation d'un tréfonds doit être indemnisée surtout lorsqu'il a une valeur d'usage pour la propriété du terrain ou de l'immeuble bâti. L'existence d'un gisement de matériaux exploitable doit être indemnisée même si l'exploitation n'était pas commencée à la date de référence (Cass. 3e civ. 3-10-1990 n° 89-70.073 : Bull. civ. III n° 178). En revanche, n'est pas indemnisable le gisement situé dans une zone où l'exploitation de carrières est interdite.
La perte de redevance de décharge est indemnisable, si à la date de l'ordonnance d'expropriation, ou, à défaut, du jugement, les excavations n'ont pas été réalisées (Cass. 3e civ. 17-4-1985 n° 83- 70.184 : Bull. civ. III n° 64).
Les améliorations de toute nature, telles que constructions, plantations, installations diverses, acquisitions de marchandises, qui auraient été faites à l'immeuble, à l'industrie ou au fonds de commerce, même avant l'ordonnance d'expropriation, ne donnent lieu à aucune indemnité si, en raison de l'époque à laquelle ces améliorations ont eu lieu, ou de toutes autres circonstances, il apparaît qu'elles ont été faites dans le but d'obtenir une indemnité plus élevée. Sont présumées faites dans ce but, sauf preuve contraire, les améliorations faites après l'ouverture de l'enquête préalable à la DUP (C. expr. art. L 322-1, al. 2).
N'ouvrent pas droit à indemnité :
- l'équipement d'un terrain après la DUP (CA Besançon 22-5-1985) ;
- la création d'un parking sur une parcelle acquise après l'ouverture de l'enquête préalable à la DUP (CA Paris 22-1-1981) ;
- le transfert d'une activité artisanale dans un immeuble exproprié après l'enquête préalable à la DUP (CA Versailles 10-11-1989 : JCP éd. G 1991 II n° 21613) ;
- la création d'un fonds de commerce après l'ouverture de l'enquête préalable à la DUP (Cass. 3e civ. 2-2-1983 : Gaz. Pal. 1983 pan. p. 174) ;
- le bail conclu après l'ouverture de l'enquête préalable à la DUP (CA Besançon 21-10-1987 : Gaz. Pal. 1988 som. p. 411) ;
- les plantations effectuées après l'ouverture de l'enquête préalable à la DUP (CA Paris 27-1-1984 : AJPI 1984 p. 199).
Ouvrent droit à indemnité :
- les travaux nécessaires à l'activité spécifique de la société (CA Paris 8-6-1984 : JCP éd. G 1985 IV p. 87) ;
- les améliorations destinées à permettre une meilleure utilisation d'un fonds de commerce (CA Paris 1-12-1989 : RDI 1990 p. 73) ;
- l'établissement d'un règlement de copropriété après l'ouverture de l'enquête préalable à la DUP (Cass. 3e civ. 13-10-1971 n° 70-70.256 : Bull. civ. III n° 491) ;
- l'acquisition d'un droit au bail, hormis le cas de fraude qui ne peut résulter de la seule connaissance d'un projet d'expropriation (Cass. 3e civ. 22-7-1998 n° 97-70.133 : Bull. civ. III n° 173).
L’indemnité principale concerne l'élément principal faisant l’objet de la mesure, c'est-à-dire le bien délaissé en lui-même, comme par exemple une maison et son terrain d'assise, un hangar, etc.. Elle est en principe calculée en fonction de la valeur vénale du bien. Dans le cadre du PPRT, elle ne doit pas tenir compte de la dépréciation du fait de la présence de risques industriels et de la servitude y afférant. Cette indemnité est perçue par le propriétaire.
Pour garantir la réparation de l'intégralité du préjudice subi, on ajoutera alors à cette indemnité principale une ou plusieurs indemnités accessoires. Les différentes indemnités accessoires ne sont pas systématiquement cumulatives dans leur ensemble, l'octroi de certaines d'entre elles induisant la non perception d'autres indemnités. D'autre part, c'est la situation particulière du bien délaissé qui conditionnera l'octroi ou non des différentes indemnités accessoires.
Les indemnités accessoires couvrent, quant à elles, les préjudices distincts de celui résultant directement de la dépossession : éviction, déménagement, réinstallation ou expropriation partielle, dépréciation, clôture, etc. Elles seront variables selon le bien concerné par la mesure foncière. Les indemnités accessoires suivantes peuvent ainsi être attribuées.
- Indemnité de remploi
Bénéficiaire : propriétaires
Type de biens concernés : tous types de bien
Elle représente le montant des frais et droits (droits de mutation, frais d'actes, etc. ) que devrait supporter le propriétaire du bien délaissé pour reconstituer en nature son patrimoine, à valeur équivalente (c’est-à-dire égale à la valeur de l’indemnité principale).
Il s’agira par exemple des frais de recherche d’un nouveau bien, et de tous les frais d’actes, tels que les honoraires de notaire, les droits de timbres, les droits de mutation ou TVA, letc., perçus à l’occasion de la rédaction de l’acte et de son enregistrement ou de sa publication.
Ne sont pas prises en considération pour le calcul de l’indemnité de remploi les dépenses suivantes :
- Les frais de constitution du dossier d’expropriation et frais d’avocat,
- La taxe sur les plus-values foncières,
- L’impôt foncier dû jusqu’au 1er janvier par le propriétaire du bien délaissé,
- Les frais engagés pour obtenir un permis de construire ainsi que les frais de viabilisation d’un terrain de remplacement à acquérir,
- Les frais de déménagement qui sont pris en compte par une autre indemnité accessoire, distincte de l’indemnité de remploi.
Elle est due par principe sauf si le bien est « notoirement » destiné à la vente. Le propriétaire n’est pas tenu de justifier le remploi pour en percevoir l’indemnité.
- Indemnité d'éviction
Bénéficiaire : locataires
Type de biens concernés : tous types de biens
Cette indemnité ne peut être perçue par le propriétaire si les biens sont estimés libres d'occupation (c’est-à-dire sans locataire), car cette indemnité suppose la résolution d'un bail. Elle induit la présence d'un locataire à qui elle sera reversée par le propriétaire ou payée directement (selon le choix de l'expropriant). Il faut faire cependant attention : le locataire doit être « dénoncé » en temps utile par son bailleur. Dans le cas contraire, il serait privé de son indemnité mais pourrait engager une action en responsabilité contre son bailleur.
Ainsi, en sus du potentiel droit au relogement, le locataire a droit à une indemnité d'éviction personnelle. Toutefois, le surcoût de loyer du nouveau logement s'analysant en un dommage indirect n'est pas indemnisable sauf si le juge constate que la commune ou l’EPCI compétent n’a pas fait d’offre de relogement et que les propriétaires et ayants droit du bien exproprié avaient bénéficié d’un loyer particulièrement bas par rapport aux prestations offertes et à la situation de l’immeuble. Dans ce dernier cas, le locataire bénéficiera d’une indemnité pour différence de loyer, comme conséquence directe de l’expropriation (Cass. Civ., 4 déc.1996, D. 1998, p.92).
Les artisans, commerçants ou industriels peuvent recevoir une indemnité de transfert d'activité si celle-ci peut être exercée ailleurs sans perte de clientèle. Dans le cas contraire, ils sont indemnisés de la perte du fonds.
Les agriculteurs locataires peuvent également recevoir une indemnité d’éviction généralement déterminée par référence à des protocoles négociés entre l’administration et les représentants des organisations professionnelles agricoles.
- Indemnité pour travaux non amortis
Bénéficiaires : locataires ou propriétaires relogés
Type de biens concernés : tous types de biens
Dans le cas où le locataire ou le propriétaire aurait réalisé récemment des travaux d'aménagement et de modernisation dans son local d'habitation et que l’expropriation survienne sans qu'il ait pu amortir les dépenses engagées, un dédommagement peut lui être octroyé.
On considère généralement que les travaux sont amortis dans une période de cinq ans et il doit être fait état des justifications de ces travaux (factures).
- Indemnité pour privation de jouissance et travaux de réinstallation
Bénéficiaires : locataires ou propriétaires relogés
Type de biens concernés : tous types de biens
Cette indemnisation vise à indemniser les travaux d’aménagement qui seraient nécessaires si un local proposé dans le cadre d'un relogement ne proposait pas les mêmes prestations que le bien délaissé.
- Indemnité de déménagement
Bénéficiaire : propriétaires et locataires
Type de biens concernés : tous types de biens
L’indemnité de déménagement est due dans les cas où l’immeuble délaissé est estimé comme « occupé ». L’immeuble est considéré comme « occupé » lorsque le propriétaire demande à la commune ou l’EPCI compétent son relogement. Dans le cas contraire, l’immeuble sera considéré comme libre d’occupation et le propriétaire ne pourra pas obtenir l’indemnité de déménagement.
Les locataires peuvent également demander cette indemnité.
Comme en matière d’indemnité de remploi, le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation souveraine pour déterminer le montant de l’indemnité de déménagement. Il se prononcera généralement en fonction des devis et des caractéristiques des locaux concernés.
- Indemnité de dépréciation du surplus
Bénéficiaire : propriétaires
Type de biens concernés : tous types de biens
L’indemnité de dépréciation de surplus a pour objet de couvrir, en cas d’expropriation partielle, la moins-value que subit de ce fait la partie restante. Tel est le cas par exemple si l’expropriation partielle a eu pour effet de priver d’accès à la voie publique la partie restante. Cette dépréciation peut affecter aussi bien une propriété bâtie, un terrain ou une terre agricole.
- Indemnité pour perte de revenus locatifs.
Bénéficiaire : propriétaires
Type de biens concernés : tous types de biens
Cette indemnité est destinée à couvrir la perte de revenus pour la période correspondant au temps nécessaire à la recherche d’un bien équivalent et d’un nouveau locataire.
- Indemnité de licenciement
Bénéficiaire : propriétaires et locataires à condition qu'ils aient des employés
Type de biens concernés : "Activités économiques "
Des indemnités de licenciement peuvent être accordées à un chef d'entreprise s’il est établi qu’il doit en verser à certains de ses salariés qui refuseraient de le suivre dans ses nouveaux locaux.
- Indemnité pour trouble commercial et perte de clientèle
Bénéficiaire : propriétaires et locataires
Type de biens concernés : Activités économiques
Le commerçant exploitant un fonds de commerce dans l’immeuble délaissé est fondé à demander une indemnité pour troubles d’exploitation commerciale, distincte de celle correspondant à la valeur vénale du fonds et de l’indemnité de remploi.
Le montant de l’indemnité est basé sur la valeur du fonds et sur la possibilité ou non pour le commerçant de se réinstaller à proximité immédiate, dans un environnement comparable.
Lorsque l’éviction d’un commerçant n’entraîne pas la perte de clientèle, l’indemnisation est allouée sur la base de la valeur du droit au bail des locaux d’exploitation, majorée de l’indemnité de remploi et des frais de transfert.
- Indemnité de clôture
Bénéficiaire : propriétaires
Type de bien concernés : tous types de biens
Cette indemnité permet, en cas d’expropriation partielle, de permettre au propriétaire du bien exproprié de rétablir une clôture sur la limite nouvelle de son terrain.
Il appartient au juge de l’expropriation de déterminer le coût du remplacement de la clôture et non la valeur de la clôture supprimée.
- Indemnités de plantations
Bénéficiaire : propriétaires
Type de bien concernés : tous types de biens
Dans le cas où le terrain n'a pas de qualification à bâtir et que des plantations sont présentes, cette indemnité pour perte de plantations implantées peut être demandée.
Certaines indemnités sont spécifiques aux exploitations agricoles :
- Indemnité pour perte de récolte :
Bénéficiaire : propriétaires et locataires
Il s'agit du dédommagement pour la perte de la récolte que l'exploitant était en droit d'escompter au moment où il a été privé du terrain. On ne considérera toutefois que la récolte sur pied si la culture donne plusieurs récoltes dans l'année.
Cette indemnité variera selon :
- la qualité de la terre délaissée,
- la nature de la culture,
- la date de prise de possession par l’expropriant,
- les frais qui auraient été engagés pour effectuer la récolte,
- la valeur marchande des produits agricoles.
- Indemnité pour perte de fumures et façons culturales
Bénéficiaire : propriétaires et locataires
Cette indemnité est destinée à dédommager l'exploitant des travaux de cultures (préparation de la terre pour la mise en culture), amendements et fumures qu'il a réalisé sur les terrains délaissés en vue d'une prochaine récolte. Cette indemnité peut être conséquente car elle représente l'essentiel de l'activité agricole.
Cette indemnité variera selon :
- la nature de la culture,
- la qualité des travaux et façons culturales exécutés par l'exploitant,
- la périodicité des fumures,
- la date de prise de possession par l’expropriant.
- Indemnité pour perte d'exploitation
Bénéficiaire : propriétaires et locataires
Cette indemnité correspond au préjudice subi pendant la période nécessaire à l’exploitant pour retrouver une situation lui permettant de retrouver un revenu identique. Elle pourra notamment prendre en compte les coûts de replante.
Dans le cas de cultures spécialisées telles que les pépinières, les vergers et les vignes, les indemnités seront plus importantes du fait de la valeur supérieure des produits agricoles et des spécificités (arrachage et replantation, perte pendant le transfert des arbres et plantations).
L'expropriation d'un bien immobilier peut, dans certaines circonstances, se solder par un euro symbolique d'indemnité. C'est le cas, admis par la Cour de cassation (Cass. Civ 3, 15.3.2018, R 17-14.066)., lorsqu'un terrain supporte des constructions en mauvais état et que la valeur du terrain est inférieure au coût des travaux nécessaires pour le débarrasser.
Un propriétaire exproprié soutenait cependant qu'il était inconcevable d'être dépossédé d'un bien immobilier pour une somme symbolique. Celle-ci est évidemment sans rapport avec la valeur du bien, disait-il. Mais il n'a pas été entendu.
La Cour européenne des droits de l'homme exige que l'indemnité d'expropriation soit "en rapport" avec la valeur du bien.
Pour arriver à ce résultat nul, le juge applique une méthode d'évaluation appelée méthode "de récupération foncière". Elle consiste, en partant du prix de vente espéré à la fin du projet, à déduire le coût des travaux et opérations diverses, pour donner au terrain la valeur restante.
En l'espèce, en partant du prix connu du terrain nu à bâtir, la commune qui expropriait a déduit le coût des travaux de démolition et a constaté qu'ils étaient supérieurs. Elle en a déduit, à juste titre, selon les juges, que le terrain encombré ne valait rien et n'a accordé qu'un euro symbolique.
La valeur des biens est évaluée à la date de la décision de première instance (C. expr. art. L 322- 2), en fonction des données du marché immobilier au jour de cette décision. La jurisprudence déduit de cette règle que la cour d'appel qui doit évaluer les biens à la date du jugement ne peut pas retenir des termes de comparaison postérieurs à celui-ci (Cass. 3e civ. 22-5- 1986 n° 84-70.298 : Bull. civ. III n° 76) ou trop anciens (Cass. 3e civ. 14-1-2014 n° 12-27.704 : JCP G 2014 n° 1062 note M. Huyghe). Mais elle peut tenir compte d'éléments de comparaison connus après le jugement de première instance s'ils existaient à la date de ce jugement (Cass. 3e civ. 19-12-2012 n° 11-26.584 : BPIM 2/13 inf. 114 ; CA Paris ch. expr. 27-9-1979 : JCP G 1980 IV p. 51 ; CA Paris ch. expr. 28-5-1982 : JCP G 1982 IV p. 340).
En cas d'annulation du jugement de première instance, la cour d'appel doit se placer à la date à laquelle elle statue pour estimer les biens expropriés (Cass. 3e civ. 19-11-2008 n° 07-18.619 : Bull. civ. III n° 179). Si elle se place, même implicitement, à la date du jugement de première instance sa décision doit être annulée (Cass. 3e civ. 22-5-2012 n° 11-13.387). Elle doit préciser la date à laquelle il est procédé à l'évaluation (Cass. 3e civ. 28-6-1995 n° 93-70.239).
En cas de cassation d'un arrêt d'appel, la cour de renvoi doit fixer la valeur du bien à la date du jugement de première instance, même si le renvoi intervient plusieurs années après ce jugement (Cass. 3e civ. 6-1-1981 n° 80-70.142 : Bull. civ. III n° 2).
Sources : Quelle indemnité peut-on obtenir en cas d’expropriation ? | L'immobilier par SeLoger
Procédure d'expropriation | Service-public.fr
L’indemnisation en matière d’expropriation - Avocat Jacques-Alexandre Bouboutou (bouboutou-avocats.com)
La fixation du montant de l’indemnité d’expropriation. Par Christophe Degache. (village-justice.com)
Le 16 septembre 2019
Commentaires
Laisser un commentaire