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Les droits successoraux du conjoint survivant


Le conjoint survivant a la qualité d’héritier légal qui lui confère des droits dans la succession de l’époux prédécédé même en l’absence de libéralités entre époux.


I. La vocation successorale du conjoint survivant

A. Conditions de la vocation successorale du conjoint

La vocation successorale bénéficie au conjoint survivant non divorcé aux termes d’un jugement ayant acquis l’autorité de la chose jugée. En cas de séparation de corps par consentement mutuel, la convention peut prévoir la renonciation des époux à leurs droits successoraux réciproques.

Le conjoint survivant doit remplir les conditions exigées de tout héritier pour pouvoir venir à la succession et dispose de l’option successorale.

B. Vocation successorale en présence de descendants du défunt

Lorsque le défunt laisse des descendants qui sont tous issus de son union avec le conjoint survivant, celui-ci a le choix entre l’usufruit de la totalité des biens composant la succession ou la propriété du quart de ces biens.

Lorsque l’un au moins de ces descendants est issu d’une autre union ou d’un précédent mariage du défunt, le conjoint survivant perd son droit d’option. Ses droits sont d’un quart en pleine propriété.

Aucun délai n’est imparti au conjoint pour exercer son option, mais chaque héritier peut l’inviter par écrit à exercer son droit. À défaut de réponse dans les trois mois, le conjoint est réputé avoir opté pour l’usufruit. L’option n’est pas transmissible et si le conjoint décède avant d’avoir exercé son droit, il est réputé avoir opté pour l’usufruit.

C. Vocation successorale en présence du père et/ou de la mère du défunt

Si le défunt laisse ses deux parents, le conjoint survivant recueille la moitié de la succession, l’autre moitié se partageant entre les père et mère.

Si l’un des deux parents est prédécédé, le conjoint survivant recueille les trois quarts de la succession. Il en va de même si l’un des père et mère renonce à la succession ou est déclaré indigne de succéder.

D. Vocation successorale en présence d’autres héritiers

En présence d’autres héritiers du défunt, le conjoint survivant recueille la totalité de la succession, sous réserve de deux limites :
-  Lorsque le conjoint recueille la totalité ou les trois quarts de la succession, les ascendants ordinaires disposent d’une créance d’aliments contre la succession du défunt. Elle doit être réclamée dans le délai
d’un an à partir du décès ou du moment où les héritiers cessent d’acquitter les prestations qu’ils fournissaient auparavant aux ascendants.
- S’il existe des collatéraux privilégiés ou descendants d’eux, ils bénéficient d’un droit de retour légal sur la moitié des biens que le défunt avait pu recevoir par donation ou succession de la part de ses ascendants si ces biens figurent toujours en nature dans la succession.

E. Exercice des droits successoraux du conjoint survivant

Lorsque les droits du conjoint survivant ne portent que sur une partie de la succession, ils doivent faire l’objet d’une liquidation. Les règles diffèrent selon qu’il s’agit de droits en pleine propriété ou en usufruit.

Les droits en pleine propriété sont calculés sur une masse de biens (masse de calcul) qui comprend tous les biens existant au décès auxquels sont réunis fictivement les biens dont le défunt a disposé par donation ou testament au profit de successibles sans dispense de rapport. Les biens sont évalués à leur valeur au jour du partage selon leur état au jour de la donation.

Une fois calculés, les droits du conjoint s’exercent sur une masse de biens (masse d’exercice) plus restreinte. Elle comprend uniquement les biens existant au décès, à l’exclusion de ceux dont le défunt a disposé par acte entre vifs ou testamentaires, car le conjoint survivant n’est pas, sauf exception, un héritier réservataire. Sont également exclus les biens faisant l’objet d’un droit de retour. Enfin, s’il existe des héritiers réservataires, les droits du conjoint ne s’exercent que sur la quotité disponible subsistante.

Lorsque la vocation successorale du conjoint est en usufruit, celui-ci s’exerce sur l’ensemble des biens existant au décès, déduction faite des biens légués, sauf si c’est un legs en nue-propriété. Il peut s’exercer sur la réserve.

L’usufruit peut être converti en rente viagère à la demande de chaque héritier nu-propriétaire ou du conjoint. À défaut d’accord amiable, la conversion peut résulter d’une décision judiciaire, mais le juge ne peut ordonner la conversion de l’usufruit portant sur le logement occupé à titre de résidence principale sans l’accord du conjoint.
L’usufruit peut également être converti en capital mais uniquement par accord entre le conjoint et les héritiers.
Lorsque le conjoint survivant est gratifié, il bénéficie d'une quotité disponible spéciale entre époux, plus importante que la quotité disponible ordinaire (art. 1094-1 CC).
En présence de descendants, il existe une option, la plupart du temps exercée par le conjoint survivant dès lors que la libéralité stipule en général qu'elle portera sur la quotité disponible la plus large :
- soit la quotité disponible ordinaire (ce dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger), option intéressante lorsque le défunt laisse moins de trois enfants puisque, au lieu du quart de la succession (vocation légale), il pourra recueillir la moitié de la succession en présence d'un enfant et le tiers en présence de deux enfants ;
- soit un quart en pleine propriété et trois quarts en usufruit ;
- soit la totalité des biens en usufruit.
L'option, qui a un caractère personnel, ne peut être exercée par un créancier.  Mais en cas de décès du conjoint gratifié, elle sera exercée par ses  héritiers.
Les libéralités que le  conjoint survivant reçoit s'imputent sur ses droits dans la succession ; si elles sont inférieures à sa vocation légale, le conjoint peut réclamer le complément, dans la limite de la quotité disponible spéciale entre époux ; si elles sont supérieures, il peut conserver la plénitude de sa libéralité, sauf à être tenu à une indemnité de réduction si cette libéralité dépasse, en outre, les limites du disponible spécial (art. 758-6. CC – Civ. 1re, 25 oct. 2017, n° 17-10.644). En présence de libéralités à la fois consenties au conjoint et à d'autres personnes, il n'est pas possible de cumuler la quotité disponible spéciale entre  époux et la quotité disponible ordinaire ; sinon il serait porté atteinte à la réserve héréditaire. Un cumul partiel est cependant autorisé : chaque gratifié peut recevoir dans la limite du disponible qui lui est applicable, le conjoint survivant étant gratifié  de l'usufruit de la réserve (Civ. 1re, 26 avr. 1984, n° 83-11.839).
En présence d'enfants non communs, ceux-ci peuvent exiger que la libéralité consentie au conjoint en pleine propriété soit convertie en usufruit, moyennant l'abandon de l'usufruit de la part de succession qu'ils auraient recueillie en l'absence de conjoint survivant (art. 1098 CC).
Mais le défunt ne doit pas s'y être opposé et cette faculté de substitution est impossible lorsque le conjoint survivant opte pour des droits en usufruit. Elle ne trouve à s'appliquer que pour la libéralité consentie au conjoint en pleine propriété.
Le conjoint dispose, par ailleurs, de la possibilité de cantonner son émolument sur une partie des biens dont il a été disposé en sa faveur. Cette limitation ne peut être considérée comme une libéralité faite aux  autres successibles (art. 1094-1, al. 2 CC).

 

Lorsque les droits du conjoint survivant ne portent que sur une partie de la succession, ils doivent faire l'objet d'une liquidation. Les règles diffèrent selon qu'il s'agit de droits en pleine propriété ou en usufruit. Les droits du conjoint survivant sont déterminés par comparaison entre les droits théoriques, calculés à partir d'une masse de calcul (le quart de  la masse de calcul en présence de descendants, les trois quarts ou la moitié en présence des père et/ou mère du défunt), et la masse d'exercice. Ils sont égaux au chiffre le plus faible.
La masse de calcul comprend tous les biens existant au décès auxquels sont réunis fictivement les biens dont le défunt a disposé par donation ou testament au profit de successibles sans dispense de rapport (art. 758-5, al. 1er CC). Les biens sont évalués à leur valeur au jour du décès selon leur état au jour de la donation et seront réévalués en valeur « partage » au moment du partage.
Une fois calculés, les droits du conjoint s'exercent sur une masse de biens (masse d'exercice) plus restreinte (art. 758-5,al. 2). Comme pour les droits théoriques, la masse d'exercice se calcule en valeur « décès » et sera revalorisée en valeur « partage » au moment du partage. Elle comprend uniquement les biens existant au décès, à l'exclusion de ceux dont le défunt a disposé par acte entre
vifs ou testamentaires, car le conjoint survivant n'est pas, sauf exception, un héritier réservataire Sont également exclus les biens faisant l'objet d'un droit de retour.
Enfin, s'il existe des héritiers réservataires, les droits du conjoint ne s'exercent que sur la quotité disponible subsistante.


La détermination des droits réels en propriété du conjoint survivant en présence de descendants ou des  père et/ou mère se fera de la façon suivante : si la masse d'exercice  est inférieure aux droits théoriques, le conjoint survivant ne recueille que la masse d'exercice (sans possibilité pour lui d'exiger des descendants, par exemple, une restitution au titre de leur rapport, si bien qu'il peut se retrouver déshérité par un legs fait aux enfants imputable sur la quotité disponible) ; si, en revanche, la masse d'exercice est supérieure ou égale aux droits théoriques, le conjoint recueille les droits théoriques. En toutes hypothèses, les droits légaux en propriété du conjoint survivant sont égaux à la plus faible des deux sommes entre les droits théoriques et la masse d'exercice, cette dernière étant le plafond des droits du conjoint.

Lorsque la vocation successorale du conjoint est en usufruit, celui-ci s'exerce sur l'ensemble des biens existant au décès, déduction faite des biens légués, sauf si c'est un legs en nue-propriété (art. 757 CC). Il peut s'exercer sur la réserve.
L'usufruit peut être converti en rente viagère à la demande de chaque héritier nu-propriétaire ou du conjoint (art. 759 CC).
À défaut d'accord amiable, la conversion peut résulter d'une décision judiciaire, mais le juge ne peut ordonner la conversion de l'usufruit portant sur le logement occupé à titre de résidence principale sans l'accord du conjoint (art. 760, al. 3 CC).
L'usufruit peut également être converti en capital mais uniquement par accord entre le conjoint et les héritiers (art. 761 CC). La simple évaluation de l'usufruit du conjoint ne saurait valoir conversion à elle seule (Civ. 1re, 19 sept. 2018, n° 17-17.604).
Le conjoint usufruitier ne peut entrer en jouissance qu'après avoir fait dresser un inventaire des meubles et un état des immeubles sujets à l'usufruit (art. 600 CC). Il doit donner caution d'en jouir raisonnablement (art. 601 CC).
Il en a l'usage et la jouissance mais ne peut en disposer. S'agissant des liquidités, s'il a fourni caution, il dispose d'un quasi-usufruit et peut les utiliser à charge de restitution à l'extinction de l'usufruit.
S'il n'a pas fourni caution, les enfants peuvent exiger l'emploi des liquidités par le conjoint (qui en percevra alors les intérêts), afin de leur garantir restitution à l'extinction de l'usufruit (art. 602 et 603 CC).
Cette extinction survient en général au décès du conjoint survivant, mais également par la réunion sur la même tête des deux qualités d'usufruitier et de propriétaire, le non-usage du droit pendant trente ans, la perte totale de la chose sur laquelle l'usufruit est établi (art. 617 CC), l'abus de jouissance (art. 618 CC), la conversion en rente viagère à la demande du conjoint ou des enfants nus-propriétaires (art 759 CC), la conversion de l'usufruit en capital par accord du conjoint survivant et des enfants nus-propriétaires (art. 761 CC).


Outre les droits dont il dispose dans la succession en tant qu’héritier, le conjoint survivant bénéficie de droits spécifiques à l’encontre de la succession en sa qualité de conjoint.

II. Le droit au logement

La loi protège le conjoint survivant en lui assurant le maintien dans son cadre de vie de façon temporaire ou viagère. Ce droit s’applique uniquement aux successions des personnes décédées depuis le 4 décembre 2001.

Lorsqu’au moment du décès le conjoint occupait effectivement à titre d’habitation principale un logement qui appartenait aux deux époux ou qui dépend totalement de la succession, il bénéficie de plein droit d’un an de jouissance gratuite de ce logement ainsi que du mobilier compris dans la succession qui le garnit.

Lorsque l’habitation était assurée au moment du décès par un bail à loyer ou par un logement appartenant pour partie indivise au défunt, la succession doit rembourser au conjoint les loyers ou l’indemnité d’occupation pendant une année au fur et à mesure de leur acquittement.

Le droit temporaire au logement est un droit d’ordre public dont le défunt ne peut priver son conjoint par testament. Ce droit constitue un avantage matrimonial et non un droit successoral. Le conjoint en bénéficie même s’il renonce à la succession ou s’il est jugé indigne de succéder.

Lorsqu’au moment du décès le conjoint occupait effectivement à titre d’habitation principale un logement appartenant aux deux époux ou dépendant totalement de la succession, il bénéficie d’un droit viager d’usage et d’occupation, y compris sur le mobilier garnissant le logement. S’il s’agit d’un logement loué, le droit d’usage porte sur le mobilier, le conjoint étant cotitulaire du bail (C. civ., art. 1751).

Pour bénéficier du droit viager, le conjoint doit venir effectivement à la succession, donc n’être ni renonçant ni indigne, et doit en outre manifester sa volonté d’en bénéficier dans un délai d’un an à compter du décès.

À la différence du droit temporaire, le droit viager n’est pas un droit d’ordre public. Le défunt peut en priver le conjoint, mais il ne peut le faire que par un testament authentique, en exprimant expressément et spécialement sa volonté.

Le droit viager ne s’ajoute pas aux droits successoraux du conjoint, il s’impute sur la valeur des droits qu’il recueille dans la succession. Mais si la valeur du droit d’usage et d’habitation est supérieure à celle de ses droits successoraux, le conjoint n’est pas tenu de récompenser la succession pour l’excédent.

Les héritiers  et le conjoint peuvent par convention convertir le droit d’usage et d’habitation en une rente viagère ou en capital.

III. Le droit à une pension alimentaire

Le conjoint survivant qui se trouve dans le besoin peut obtenir le versement d’une pension alimentaire qui constitue le prolongement du devoir de secours entre époux. La pension est prélevée sur l’actif net
de la succession et son montant est déterminé en fonction des besoins du conjoint et du montant de l’actif net. En cas d’insuffisance de l’actif, la pension peut être mise également à la charge des légataires particuliers en proportion de ce qu’ils ont reçu.

La pension alimentaire doit être demandée par le conjoint dans le délai d’un an à partir du décès ou du moment où les héritiers cessent d’acquitter les prestations qu’ils fournissaient auparavant. En cas d’indivision, le délai est prolongé jusqu’à l’achèvement du partage si le conjoint a des droits dans l’indivision.

IV. Le droit de créance du conjoint en cas de participation à l’activité professionnelle du défunt

Les conditions du droit de créance sont :
- le conjoint survivant doit avoir travaillé pendant au moins dix ans dans une entreprise commerciale ou artisanale, ou une exploitation agricole dont le défunt était le chef ou l’associé exploitant ;
- il ne doit pas avoir reçu de rémunération, ni avoir été associé aux bénéfices et aux pertes.

La créance est égale à trois fois le SMIC annuel en vigueur au moment du décès sans pouvoir dépasser 25 % de l’actif successoral (C. rur., art. L. 321-21-1). Les sommes sont prélevées sur la succession et leur paiement est garanti par un privilège général mobilier, un privilège général immobilier et une hypothèque légale sur les immeubles

Sources: LES DROITS SUCCESSORAUX DU CONJOINT SURVIVANT (senat.fr)

Les droits successoraux du conjoint survivant (alexia.fr)

Le 22 août 2018

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