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Le droit de propriété


En vertu de l’article 544 du Code Civil : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu  qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. ».

 

I. Les caractères du droit de propriété

 

L’article 544 du Code civil considère la propriété comme : « le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue (…) ».  Ce caractère absolu conféré au droit de propriété en fait le droit réel  le plus complet.

Même si cet absolutisme n’est pas remis en cause, il est cependant important de mentionner les nombreuses restrictions qui pèsent, en pratique, sur le propriétaire dans l’exercice de son droit. Outre les servitudes, il existe deux théories destinées à modérer l’exercice du droit de propriété : l’abus de droit et les troubles anormaux de voisinage.

A. La théorie de l’abus de droit

L’application des textes relatifs à la responsabilité civile délictuelle, dont un des principes est la réparation du préjudice causé par un fait quelconque de l’homme, a conduit la jurisprudence à retenir l’abus de droit comme une source de dommage. L’abus de droit est retenu car il n’avait aucun intérêt particulier à
procéder à cet aménagement curieux et il était animé de l’intention de nuire à la bonne marche de l’entreprise voisine. l’exercice de son droit de propriété s’articule avec les lois et règlements édictés. Ainsi, le propriétaire ne peut faire de son droit un usage prohibé par la Loi (article 544 du Code civil).

Le propriétaire qui abuse des prérogatives contenues dans son droit en causant volontairement un préjudice à autrui est donc dans l’obligation de le réparer. Pour caractériser l’abus de droit, le juge va rechercher :
• l’intention de nuire
• et l’absence d’intérêt personnel à agir comme l’a fait le propriétaire.

Ainsi, est auteur d’un abus de droit celui qui commet une faute en dépassant les limites de l’exercice du droit qui lui est conféré.

L’abus du droit de propriété peut être caractérisé dans deux situations. Premièrement, le fait d’user de sa propriété dans le but de nuire à son voisin. Par exemple, le fait d’édifier des pylônes
de bois avec une pointe en métal, autour de son jardin, sans utilité aucune pour le propriétaire, dans le seul but que ces pointes déchirent le ballon dirigeable sortant du hangar de son voisin (Req. 3 août 1915, Coquerel c/ Clément Bayard). C’est également le cas lorsqu’un propriétaire plante des arbres hauts devant la fenêtre de son voisin, lui gâchant ainsi la vue et l’ensoleillement.

Deuxièmement, le fait d’agir sans motif légitime et sérieux, même sans intention de nuire. Tel est notamment le cas lorsque le propriétaire d’un fonds refuse la pose d’un échafaudage de son voisin pour une durée de trois semaines pour des travaux urgents (Cass. Civ. 3ème, 15 février 2012, n° 10-22.899).

Le comportement fautif du propriétaire doit être démontré pour que soit caractérisé l’abus de droit. Le propriétaire qui subit un préjudice en raison du comportement abusif de son voisin malveillant est recevable à engager une action en responsabilité devant les tribunaux.
Les préjudices subis par le propriétaire peuvent être de plusieurs ordres : outre le fait que celui-ci subisse un préjudice moral, il peut également être matériel. Plus précisément, le fait d’abuser de son droit de propriété peut, comme dans la célèbre décision Clément Bayard, provoquer des détériorations de biens ou encore une perte d’ensoleillement, une aggravation des dégâts déjà présents, etc.

De manière générale, le propriétaire peut demander des dommages et intérêts pour obtenir réparation de son préjudice. Or, l’allocation de dommages et intérêts ne vient pas anéantir l’abus du droit du voisin malveillant. Dans une telle hypothèse, il est clair qu’une réparation en nature sera plus appropriée. Il résulte de ce type de décision l’arrachage de plantations ou la destruction de barrières. Dans tous les cas, préjudices et sanctions s’étudient au cas par cas.

À l’inverse, que se passe-t-il si la nuisance occasionnée n’est pas volontaire ? Pour pallier les carences de la théorie de l’abus du droit de propriété, les juges ont créé un principe d’origine prétorienne qui prévoit que nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage.

2.  La théorie des troubles anormaux de voisinage

Cette théorie jurisprudentielle s’éloigne de la précédente pour plusieurs raisons :
• elle peut s’appliquer à des voisins non-propriétaires (entre locataires)
• il n’est pas ici nécessaire de rechercher une intention de nuire à autrui.

En revanche, il faut démontrer le caractère anormal du trouble par rapport aux inconvénients inévitables de voisinage.  Le recours à cette théorie permet donc d’engager la responsabilité de  quelqu’un qui cause à son voisin ou à son environnement, directement ou par l’intermédiaire de ses locataires, un dommage qui dépasse la mesure des obligations ordinaires de voisinage dans l’exercice d’une activité licite ou a fortiori illicite et cela même si cette personne n’a pas eu l’intention de troubler la quiétude de ses voisins.

Il est donc concevable qu’une personne exerçant une activité professionnelle munie des autorisations administratives nécessaires soit néanmoins condamnée sur ce fondement dès l’instant où les inconvénients normaux de voisinage sont dépassés.

L’anormalité du trouble est soumise à l’appréciation souveraine des juges qui se réfèrent généralement à sa durée, au lieu mais aussi à sa répétition ou à son intensité. C’est ainsi qu’un bruit faible mais répétitif ou simplement fréquent ou encore un bruit intensif mais de courte durée est susceptible de troubler le voisinage au risque pour sonauteur d’être sanctionné (Art. R. 48-2 C. santé publique).
Les troubles de voisinage peuvent certes être occasionnés par des bruits mais également des odeurs ou encore des fumées…

Pour les activités illicites, le voisin peut voir sa responsabilité pénale engagée sans préjudice d’une condamnation à d’éventuels dommages et intérêts. Quant au préjudice résultant d’une activité licite, la réparation accordée peut se manifester par l’octroi de dommages et intérêts mais peut aussi s’accompagner de l’obligation à procéder à des aménagements destinés à réduire le trouble ou encore à la défense de poursuivre l’activité dommageable.

B. Un droit exclusif

Le propriétaire dispose d’un monopole vis-à-vis de son bien. Il est le seul à exercer les prérogatives découlant du droit de propriété, sous réserve d’un démembrement.
En matière immobilière, cet exclusivisme se traduit concrètement par la possibilité d’interdire aux tiers de pénétrer ou d’accéder chez le propriétaire. Le titulaire du droit de propriété peut donc, à titre préventif, clôturer son fonds. Toutefois, si son voisin construit en empiétant sur son terrain, il pourra alors obtenir du juge la démolition de la partie de l’ouvrage qui se trouve sur son terrain (ce qui peut conduire à une démolition totale de la construction) ; quel que soit le préjudice subit et la bonne ou mauvaise foi du constructeur (Art. 545 C. civ.).

C. Un droit perpétuel

Le droit de propriété n’est pas viager, c’est-à-dire qu’il n’est pas limité dans le temps, il ne s’éteint pas au décès de son titulaire mais se transmet aux héritiers : il est donc perpétuel.
Le droit de propriété d’un bien va durer autant que le bien lui-même. Il peut certes changer de titulaire mais cette modification est sans effet sur son existence.

Le droit de propriété comprend donc l’usus, le fructus et l’abusus mais se distingue par ses caractères absolu, exclusif et perpétuel. Il est par ailleurs utile d’en délimiter l’étendue afin de pouvoir pleinement l’exercer.

 

 

II. Les attributs du droit de propriété

 

Les attributs du droit de propriété ont une force qui découle de son caractère absolu. Le droit de propriété est habituellement défini par trois termes : l’abusus, l’usus et le fructus.


L’abusus peut être traduit par le droit de disposer du bien, l’usus par le droit d’utiliser le bien et le fructus par le droit d’en retirer les fruits au sens juridique du terme. Il arrive fréquemment que ces prérogatives soient séparées en deux : une personne n’a alors que l’abusus c’est-à-dire le droit de disposer du bien : le nu-propriétaire tandis que l’autre personne possède l’usus et le fructus que l’on appelle le droit d’usufruit, c’est l’usufruitier.

Cette séparation peut résulter d’un décès ou être conventionnelle (donation de la nue-propriété) elle a pour fondement le fait que l’usus et le fructus sont très étroitement liés en pratique.

L’abusus est à la fois un pouvoir juridique et matériel sur le bien. Il s’agit en effet du droit d’aliéner le bien ou de le détruire. C’est aussi le pouvoir de choisir le mode d’exploitation du bien.
Le droit de disposer procure au propriétaire un pouvoir entier sur la chose : il peut la transférer, la détruire en tout ou partie ou la modifier. Il s’agit du droit le plus caractéristique de la propriété.
Ce droit de disposer est parfois limité principalement en matière immobilière, ainsi de nombreuses autorisations administratives sont exigées avant d’effectuer des travaux, de détruire le bien. Ce droit connaît également des atteintes en raison de l’existence de servitudes publiques, obligations imposées au propriétaire dans l’intérêt général comme une ligne électrique, ou de servitudes privées comme un droit de passage. Le droit de préemption et l’interdiction d’aliéner sont autant d’atteinte au droit de disposer.


L’usus et le fructus forment les deux facettes du droit de jouissance d’un bien. L’usus correspond au droit d’user, d’utiliser la chose comme habiter sa maison : il s’agit de la prérogative la plus simple, la plus légitime du propriétaire. Parfois, l’usus est exercé par un non-propriétaire, cet usage de la chose va à certaines conditions mener ce non-propriétaire jusqu’au droit de propriété : on parle d’usucapion.
Le fructus, quant à lui, est le droit de retirer les fruits de la chose tels que percevoir les loyers.
Sur un même bien, le propriétaire détient le fructus et l’usus, mais ces deux prérogatives peuvent appartenir à deux personnes différentes.

Selon l’article 522 du Code Civil, le propriétaire du sol est en principe propriétaire du dessous et du dessus. Ainsi, le propriétaire peut construire en hauteur, chasser les animaux qui survolent son terrain. De même, il peut couper les racines qui empiètent sur ce terrain (article 673 alinéa 2 du Code Civil). Le propriétaire peut scinder cette propriété du dessus et du dessous. Lorsque le propriétaire du sol se défait de l’une de ces propriétés, on dit qu’il confère un droit de superficie.

Il existe des limites à l’assiette du droit de propriété comme les limitations de la hauteur des constructions, et surtout des dispositions du Code Minier supprime le droit d’exploitation du solen présence de certains gisements. Ce droit d’exploitation appartient à l’État qui peut même le concéder à un tiers. Le propriétaire percevra une indemnisation.

Le droit de propriété est exclusif : c’est-à-dire que le propriétaire est le seul qui puisse retirer de la chose ses utilités économiques. La propriété est également illimitée : en principe, le propriétaire peut accomplir tous les actes d’exploitation qu’il désire et s’il existe des limites, elles doivent être expresses et ordonnées pour des raisons d’intérêt général.
Ce principe du caractère illimité du droit de propriété supporte de nombreuses exceptions ainsi l’usage du droit de propriété ne doit pas être contraire aux lois et règlements qui n’ont cessé de croître depuis le début du XIXème siècle. De plus, ce caractère illimité ne signifie pas que l’utilisation de la propriété peut se faire de manière irresponsable ainsi, le propriétaire peut engager sa responsabilité à l’occasion de l’exercice de ce droit.

Enfin, la propriété a un caractère perpétuel : son existence ne dépend pas de son usage . Même si un propriétaire ne l’exerce pas, il ne peut être privé de sa propriété pour cette raison. Le droit de propriétaire ne cesse que si la chose disparaît : ainsi l’action en revendication ne se prescrit pas.

Le propriétaire peut être privé du droit de propriété si un tiers a acquis le même droit par l’effet de la possession trentenaire. Dans ce cas, le propriétaire perd l’action en revendication en même temps que le droit de propriété. Cette action ne disparaît pas pour autant, elle change seulement le titulaire, avec le droit de propriété dont elle n’est que la mise en œuvre.

 

 

III. L’étendue du droit de propriété

La détermination de l’assiette du droit de propriété consiste à définir les règles qui vont permettre de délimiter son objet. Elles sont utiles pour déterminer les limites matérielles de la propriété.

A. Le bornage

Le bornage est une opération juridique qui permet de fixer, en la matérialisant, la ligne séparative de deux terrains contigus. Sa finalité est préventive, il s’agit en effet de se prémunir contre d’éventuelles contestations du voisin ou d’une tentative d’usurpation.

Le bornage d’une propriété peut être amiable ou, à défaut, judiciaire. Ce n’est donc qu’en l’absence d’accord que le juge d’instance sera saisid’une action en bornage. Le magistrat ne fait que constater le tracé de la ligne séparative selon le plan cadastral et les titres de propriété.
En aucun cas il n’opère un transfert de propriété.

B. La propriété du dessous et du dessus

Le droit de propriété s’exerce sur le volume de terre situé sous le sol (1) ainsi que sur celui placé au dessus (2).

1. Le dessous

Le propriétaire du sol est également propriétaire du sous-sol afin de pouvoir planter ou construire. Il convient cependant de mentionner quelques exceptions en matière de mines ou de carrières qui supposent l’obtention d’une autorisation d’exploitation par l’administration.

2.  Le dessus

L’intérêt d’être propriétaire de la colonne d’air située au dessus du terrain est identique au précédent. Comment peut-on construire sans être propriétaire de cet espace ? Là encore, l’exercice de ce droit doit être conforme aux lois et règlements (obtention d’un permis de construire ou d’une autorisation de travaux selon les cas).
Il existe cependant une servitude légale de passage pour les aéronefs qui peuvent survoler la zone. Cette propriété du dessus justifie également que celui sur la propriété duquel avancent les branches d’arbres, puisse contraindre le voisin à les couper (et non pas les couper lui-même). Il est, en revanche, en droit de se considérer propriétaire des fruits qui tombent naturellement des branches qui empiètent sur son fonds (Art. 673 C. Civ.) En tombant de l’arbre, le fruit vient s’unir au sol.

C. Les règles de l’accession

L’accession est une conséquence du droit de propriété. Ce dernier s’étend à ce que la chose, dont il est l’objet, produit ou à ce qui lui est uni accessoirement, naturellement ou artificiellement. L’accession peut être naturelle (1) ou industrielle (2).

1. L’accession naturelle

L’accession est dite naturelle lorsqu’elle résulte du seul fait de la nature. Le propriétaire d’un fonds devient propriétaire des biens qui vont s’adjoindre à son terrain sans intervention de l’homme.  Les fruits qui tombent naturellement de l’arbre voisin sur notre terrain ; ou encore les alluvions laissées par les eaux sur une rive appartenant au propriétaire de cette rive.

2. L’accession industrielle

Lorsque l’accession est dite industrielle ou encore artificielle, cela suppose que la main de l’homme soit intervenue en ayant construit un ouvrage ou effectué une plantation.
Le Code civil présume que le propriétaire du sol est aussi propriétaire des constructions ou des végétaux plantés sur ce terrain jusqu’à preuve du contraire.

 

 

IV. La notion de possession et la prescription acquisitive

 

La possession est un rapport de fait entre une chose et une personne par laquelle celle-ci a la possibilité d’accomplir sur le bien des actes qui, vu de l’extérieur, correspondent à l’exercice d’un droit. Peu importe ici que cette personne soit ou non titulaire du droit de propriété.
Si la possession et le droit de propriété doivent être distingués, on remarque cependant que le plus souvent, le possesseur est également propriétaire. Les faits rejoignent alors le droit.

La finalité de la possession est de mener à l’acquisition du droit de propriété après l’expiration d’un délai pour un immeuble et sans délai pour un meuble. En effet il n’est pas bon qu’une distanciation entre les faits et le droit persiste trop longtemps.
Ainsi si Jean vend une maison à Didier. Mais Jean n’est pas le seul propriétaire du bien qu’il a vendu (car il est en indivision avec son frère), or pour que la vente soit valable, il aurait
fallu réunir le consentement de tous les propriétaires (Jean et son frère). Didier croit être propriétaire de la totalité de la maison qu’il a acquise alors qu’il n’en est que le possesseur pour partie car Jean ne pouvait pas valablement la vendre seul. La vente peut donc être annulée par le frère de Jean. Cependant, si ce dernier ne réagit pas, la possession de la maison pendant un certain temps va permettre à Didier d’en acquérir légalement la propriété.
 
La possession doit être distinguée de la détention précaire. La détention précaire suppose que celui qui a la chose entre ses mains la détient en vertu d’une convention (location, prêt…) et doit la restituer à son véritable propriétaire à l’issue du contrat. Le détenteur n’est donc pas possesseur et ne peut jamais acquérir la propriété du bien par l’effet du temps. Le locataire d’un appartement est détenteur précaire car il est dans les lieux en vertu d’un contrat de bail signé avec le propriétaire et il sait qu’il doit quitter le logement à l’expiration de cette convention sauf si elle est reconduite. Le locataire ne va jamais acquérir la propriété de cet appartement car il n’est pas possesseur, il n’est que détenteur précaire (en signant le bail, il reconnaît que le bien appartient à autrui et s’oblige à le restituer).
Cette distinction entre possession et détention précaire est essentielle.

A. Les éléments caractérisant la possession

La possession est subordonnée à la réunion de deux éléments, l’un matériel : le corpus (A) et l’autre intentionnel : l’animus (B).

1. L’élément matériel : le corpus

Cet élément représente l’exercice du pouvoir de fait sur la chose. Il correspond en effet à l’accomplissement d’actes matériels sur celle-ci, comme habiter une maison, cultiver un champ, entretenir un mur…
Si le possesseur loue le bien, le locataire effectuera des actes matériels sur celui-ci à la place du possesseur, on peut alors dire que le possesseur possède son bien par le corpus du locataire et donc qu’il possède par le corpus d’autrui. Le locataire, en occupant les lieux loués, effectue des actes matériels sur la chose qui sont nécessaires au corpus. Mais ce locataire n’est pas possesseur, il n’est que détenteur précaire, il faut cependant qu’il exerce le corpus pour le compte du bailleur : le bailleur est donc possesseur par le corpus du locataire.

Toutefois, cet élément matériel est à lui seul insuffisant, il faut lui adjoindre l’animus.

2.  L’élément intentionnel : l’animus

Il s’agit de l’élément moral ou intellectuel de la possession. Sa présence est subordonnée à l’attitude du possesseur qui doit se comporter comme s’il était titulaire du droit réel dont il invoque la possession. Si la possession porte sur la propriété d’une chose, le possesseur doit avoir l’intention de se comporter vis-à-vis de celle-ci comme s’ilen était propriétaire.

S’agissant d’un élément psychologique, il fallait redouter des difficultés d’ordre probatoire. Le législateur a donc institué une présomption simple (dont on peut apporter la preuve contraire) au terme de laquelle l’établissement du corpus permet de supposer l’existence de l’animus.
La perte de l’animus met fin à la possession dans tous les cas. Si celui qui détient matériellement la chose n’a pas l’intention de se comporter à son égard comme un propriétaire, alors il n’est pas possesseur mais un simple détenteur précaire.

A ces éléments constitutifs s’ajoutent des conditions d’efficacité pour que la possession soit utile, c’est-à-dire qu’elle produise ses effets.

 

B. Les conditions d’efficacité de la possession

La loi impose la satisfaction de certaines qualités pour que la possession ne soit pas viciée et donc qu’elle produise ses effets. L’article 2229 du Code civil dispose que pour faire acquérir la propriété, la possession soit :
• continue et non interrompue,
• paisible,
• publique,
• non-équivoque,
• exercée à titre de propriétaire.

Ce texte est ambigu car il contient à la fois des conditions liées à l’existence même de la possession et des qualités nécessaires à son efficacité.

Les deux conditions d’existence sont :
- L’exercice de la possession à titre de propriétaire (qui ne fait que rappeler la nécessité de l’animus, et la non-interruption. A propos de cette dernière, en effet, il est établi qu’une possession interrompue (par la perte de l’animus par exemple) n’est pas simplement viciée, mais qu’elle prend fin ; elle n’existe plus car un des éléments constitutifs fait défaut.
Cette ambiguïté levée, on peut constater qu’il ne reste que quatre qualités à réunir sur les six pour que la possession ne soit pas viciée
et produise par là même ses effets. La possession doit être continue, paisible, publique et non-équivoque.

1. Une possession continue

Si la possession n’est pas continue, elle encourt le vice de discontinuité et ne peut produire effet. Il faut comprendre par l’énoncé de cette qualité l’exigence d’un usage normal et régulier de la chose possédée. Il est donc nécessaire que la possession soit exercée dans toutes les occasions et à tous les moments où elle doit l’être. In considère que la possession d’un bateau de plaisance est continue, même si l’on ne s’en sert que pendant l’été.

2.  Une possession paisible

A défaut d’être paisible, la possession encourt le vice de violence. Il ne faut donc pas que le possesseur soit entré en possession par la force. La possession paisible d’une maison suppose que l’on ne procède pas à l’expulsion du propriétaire par la force pour pouvoir s’y installer.

3. Une possession publique

Une possession qui n’est pas publique est considérée comme viciée par la clandestinité. Les éléments de la possession doivent donc être exercés sans dissimulation et donc de manière apparente, au vu et au su des tiers. Une possession publique suppose que celui qui se prétend possesseur ne dissimule pas le corpus pour empêcher le véritable propriétaire d’agir pour mettre fin à la possession.


4. Une possession non-équivoque

Pour ne pas être atteint du vice d’équivoque, la possession ne doit pas être ambiguë. Il faut au contraire qu’elle révèle clairement l’animus du possesseur. Le vice d’équivoque peut notamment résulter d’une cohabitation. En effet, les actes accomplis sur un bien se trouvant dans le logement commun sont susceptibles de plusieurs interprétations.
Dès lors que les éléments caractérisant la possession sont réunis (corpus et animus) et que celle-ci présente les quatre conditions d’efficacité, elle est admise à produire ses effets.

 

C. Les effets de la possession

Outre le fait que la possession fasse présumer la propriété jusqu’à preuve du contraire, elle permet surtout d’acquérir la propriété si le possesseur n’est pas déjà propriétaire.

1. La possession immobilière

En matière immobilière, la possession permet d’acquérir la propriété par l’effet du temps. L’écoulement d’un délai va donc permettre au possesseur de devenir titulaire du droit qu’il possède.
Ce principe s’explique de deux manières :
– on considère qu’il n’est pas souhaitable qu’une situation de fait et une situation de droit demeurent trop longtemps dissociées,
– après l’écoulement de ce délai, sans réaction du véritable propriétaire, on estime que le possesseur mérite alors davantage de considération que ce dernier qui s’est montré négligeant vis-à-vis de son bien.
Cette acquisition par l’effet du temps s’appelle la prescription acquisitive ou encore usucapion.

Pour faire acquérir le droit possédé, la possession doit être véritable, elle doit exister en réunissant pour cela les deux éléments constitutifs que sont le corpus et l’animus. Elle ne doit présenter aucun vice et doit donc satisfaire aux conditions énumérées précédemment, on dit alors qu’elle est utile (sous entendu : utile pour permettre l’acquisition du droit possédé).

Le délai d’acquisition est variable, on distingue :
- la prescription trentenaire : le possesseur devient propriétaire à l’expiration d’un délai de 30 ans (délai de droit commun) même s’il n’est pas de bonne foi,

- la prescription abrégée : le possesseur devient propriétaire à l’expiration d’un délai de 10 ou 20 ans dès lors qu’il est de bonne foi et sous réserve d’autres conditions.

 

En tout état de cause : le délai commence à courir lorsque les conditions de la possession sont réunies. Il ne doit pas être interrompu (par la perte de l’animus par exemple). Une interruption ne permet pas de faire valoir la possession antérieure. En revanche, la suspension du délai de prescription acquisitive est possible ; dans ce cas, celui-ci se trouve arrêté provisoirement et reprendra son cours lorsque les circonstances justifiant la suspension auront disparu (pour qu’il y ait suspension et non pas interruption, il est nécessaire de maintenir présents les éléments constitutifs de la possession).
La prescription acquisitive ne court pas contre les mineurs. Donc si un mineur est propriétaire d’un immeuble qui est possédé par un tiers, le possesseur ne peut pas utiliser le temps de possession pour bénéficier de la prescription acquisitive tant que le propriétaire est encore mineur. A la majorité, le délai commence à courir.
En principe, c’est la prescription trentenaire qui est susceptible de s’appliquer sauf si les conditions d’une prescription abrégée sont réunies.

Par la prescription abrégée, le possesseur peut acquérir la propriété en :
– 10 ans si :
• le possesseur est de bonne foi, c’est-à-dire, qu’il est persuadé avoir acquis le bien du véritable propriétaire ; opération qui aurait pour effet de transmettre le droit de propriété alors qu’il n’en est rien en réalité,
• l’existence d’un juste titre est rapportée, c’est-à-dire, qu’il est nécessaire de produire un acte qui, en lui-même, aurait permis de transférer la propriété s’il n’avait pas été conclu avec un non-propriétaire,
• le véritable propriétaire est domicilié dans le ressort de la Cour d’appel du lieu où est situé l’immeuble litigieux.

– 20 ans si :
• le possesseur est de bonne foi,
• l’existence d’un juste titre est rapportée
• le véritable propriétaire n'est pas domicilié dans le ressort de la Cour d’appel où est situé l’immeuble litigieux (son éloignement justifie un délai plus long pour que le possesseur devienne propriétaire).

Lorsque le délai est expiré, le possesseur peut bénéficier de la prescription acquisitive et deviendra propriétaire de la chose possédée.Cependant, c’est au possesseur de l’invoquer car cet effet acquisitif n’est pas automatique.
Dès lors que le possesseur réclame en justice le bénéfice de la prescription acquisitive, l’effet acquisitif est rétroactif : le possesseur est donc considéré comme propriétaire depuis le jour où il est entré en possession afin de valider les actes qu’il a pu conclure pendant qu’il était possesseur.

La possession permet certes d’acquérir le droit réel possédé mais elle présente également l’avantage de le prouver.

Un titre de propriété n’est pas considéré, à lui seul, comme une preuve parfaite. Pour le considérer comme tel, il serait nécessaire de s’assurer que le vendeur ait effectivement acquis le bien d’un véritable propriétaire, qui lui-même l’avait acquis d’un véritable propriétaire, qui lui-même le tenait d’un véritable propriétaire… Il faudrait donc remonter la chaîne des transactions du bien jusqu’à sa création afin de vérifier que chaque acquéreur avait traité avec le véritable propriétaire. Pour éviter cette recherche fastidieuse, on a recours à lapossession dans son effet probatoire.
En effet, la possession permet une acquisition directe de la propriété et donc d’éviter de remonter la chaîne des transactions au delà du délaide prescription acquisitive de droit commun (30 ans). La possession trentenaire suffit à acquérir la propriété et par là même à en établir la preuve.

La preuve du droit de propriété s’en trouve simplifiée car il n’est pas utile de remonter la chaîne des transactions jusqu’aux origines mais plus simplement pendant les trente dernières années.

 

2. La possession mobilière

Lorsque la possession s’applique à des biens meubles, elle continue de faire naître ses effets acquisitif et probatoire. La différence fondamentale par rapport au paragraphe précédent réside dans l’absence de délai pour permettre à l’effet acquisitif de se produire. En matière mobilière, la possession conduit instantanément à la propriété. Ce principe est énoncé à l’article 2279 du Code civil : « en fait de meuble, la possession vaut titre ».

La possession d’une chose mobilière va permettre au possesseur d’en acquérir immédiatement la propriété. Le véritable propriétaire qui s’est trouvé dépossédé ne peut plus alors faire valoir son droit. On dit alors qu’il ne peut pas revendiquer son bien en justice au moyen de l’action en revendication.
Face au possesseur d’un bien mobilier, le véritable propriétaire est sacrifié, il ne peut pas exercer en justice d’action en revendication. Cette situation suppose l’existence d’une possession et
non pas d’une détention précaire. Il faut donc raisonner à partir d’une relation à trois personnes : le véritable propriétaire, le tiers non-propriétaire vendeur et le tiers acquéreur (le possesseur).

On doit supposer concrètement que le propriétaire prête un bien meuble à un tiers, ce tiers revend ce bien au possesseur qui est de bonne foi, c’est-à-dire qu’il est persuadé qu’il l’a acquis du véritable propriétaire. Dans cette configuration, le véritable propriétaire ne peut pas revendiquer son bien à l’encontre de possesseur. Le propriétaire perd donc la propriété de son bien instantanément au profit du possesseur, qui devient à son tour propriétaire. Le législateur a estimé que le tiers non-propriétaire vendeur, devait assumer la malhonnêteté d’un cocontractant qu’il avait librement choisi.
On exclut du domaine de cette règle :
• tous les biens immeubles
• les meubles incorporels (ex. : un fonds de commerce)
• les meubles immatriculés comme les navires ou les aéronefs mais cette règle s’applique en revanche pour les véhicules automobiles car leur immatriculation n’est qu’administrative.
• les trésors qui obéissent à un régime juridique spécifique (art. 716 C. civ).

Ce principe sévère à l’encontre du véritable propriétaire ne peut s’appliquer que si quatre conditions sont cumulativement réunies. A défaut, l’action en revendication sera ouverte au propriétaire pendant un délai de 30 ans.
Pour que cette règle soit mise en œuvre, il faut cumulativement que :
– 1re condition : la possession soit exercée à titre de propriétaire.
Cela suppose que le détenteur précaire ne puisse pas se prévaloir de cette règle. Concrètement, le tiers vendeur ne peut pas invoquer le principe d’absence de revendication pour conserver la chose qui lui a été simplement prêtée par le véritable propriétaire. Le prêt oblige à la restitution. il n’est donc qu’un détenteur précaire. En revanche le tiers possesseur, qui a acheté la chose d’une personne qu’il croit être le véritable propriétaire, exerce une possession à titre de propriétaire.
– 2e condition : la possession soit réelle et effective.
Il est nécessaire que le possesseur, ait la chose entre ses mains et qu’il y ait eu une transaction entre lui et le vendeur. Le possesseur doit donc avoir appréhendé matériellement le bien meuble.
– 3e condition : la possession soit exercée de bonne foi.
La bonne foi du possesseur est présumée. Pour qu’elle existe effectivement, celui-ci doit être persuadé qu’il a acquis le bien d’un véritable propriétaire. Dans notre exemple, le possesseur doit être convaincu que le vendeur est le véritable propriétaire du bien. Il importe cependant de préciser que le moindre doute suffit à exclure la bonne foi. Ce doute peut résulter des circonstances liées à l’achat et notamment d’un décalage entre la valeur du bien et le prix auquel il a été vendu.
– 4e condition : la possession soit exempte de vice.On exclut nécessairement ici le vice de discontinuité car la possession mobilière permet une acquisition instantanée de la propriété, il n’y a donc aucune condition de durée. En revanche, la possession doit bien être paisible, publique et non-équivoque.

Si ces quatre conditions sont cumulativement satisfaites, le possesseur du bien meuble devient immédiatement propriétaire dès son entrée en possession et la règle de l’article 2279 s’applique. Le véritable propriétaire ne peut donc pas exercer d’action en revendication à l’encontre du possesseur qui devient lui-même propriétaire.

Le véritable propriétaire peut agir en revendication contre celui qui a la chose entre ses mains :
– si l’une des quatre conditions précédentes n’est pas satisfaite (délai pour intenter l’action : 30 ans).
– si la chose a été perdue ou volée, à condition d’agir dans les 3 ans à compter du jour de la perte ou du vol (art. 2279 alinéa 2 C. civ.)

 

On estime qu’il y a perte lorsque le propriétaire est involontairement dépossédé de son bien. Le vol est, quant à lui, la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui. Le point commun entre ces deux événements réside dans la dépossession du véritable propriétaire contre sa volonté.
En principe, si l’action en revendication réussit, le possesseur devrait restituer la chose sans être dédommagé (c’est le cas si l’une des quatre conditions n’est pas satisfaite).
Or, en cas de perte ou de vol, un dédommagement du possesseur peut être envisagé lorsque celui-ci,  a acquis la chose de bonne foi dans une foire, sur un marché, à l’occasion d’une vente publique ou chez un marchand vendant des choses identiques. Dans cette hypothèse particulière, l’article 2280 du Code civil prévoit qu’en cas de revendication intentée et réussie par le véritable propriétaire, le possesseur  peut exiger du véritable propriétaire  qu’il lui rembourse le prix que la chose lui a coûté.

En pratique, cette action conduisant au remboursement et donc au rachat de la chose par son véritable propriétaire au prix payé par le possesseur est relativement rare. Elle peut toutefois se justifier par la valeur sentimentale du bien.
En raison de cette obligation de rembourser, le véritable propriétaire subit un préjudice, il est donc autorisé à agir contre le voleur où encore contre le marchand si toutefois ce dernier a commis une faute ou une négligence en ne s’assurant pas, par exemple, de l’origine des biens qu’il a mis en vente.

Lorsque la restitution du bien s’est effectuée sans remboursement (cela suppose donc que le bien n’a pas été acheté dans une foire, un marché, à l’occasion d’une vente publique ou chez un marchand vendant des choses identiques), le possesseur C subit alors un préjudice (il a acheté une chose qu’il doit restituer sans être dédommagé), il dispose dans ce cas d’un recours contre son vendeur (B dans notre exemple de référence).

L’article 2279 du Code civil a une fonction acquisitive mais possède également l’avantage d’offrir une fonction probatoire.

Le possesseur d’un bien meuble se voit transférer immédiatement le droit de propriété si les quatre conditions sont satisfaites. Il est donc généralement présumé propriétaire dès qu’il a la chose entre ses mains jusqu’à preuve du contraire.
On dit qu’il s’agit là d’une présomption simple qui peut être combattue en établissant, par exemple, le vice de la possession.
On oppose la présomption simple (pour laquelle il est possible de prouver le contraire de ce qui est présumé) à la présomption irréfragable (pour laquelle il n’est pas possible d’établir la preuve contraire). Même si la possession n’est qu’un rapport de fait entre une personne et une chose, elle bénéficie d’une protection légale par un procédé qui diffère toutefois de celui destiné à préserver le droit de propriété.

 

 

V. La protection du droit de propriété et l'action en revendication

 

L’action en revendication peut être présentée comme le moyen juridique par lequel une personne envisage d’obtenir la restitution d’une chose dont elle se prétend propriétaire. Son exercice suppose donc qu’un tiers ait pris possession d’un bien dont le demandeur à l’action insinue avoir la propriété.

Le fait que le droit de propriété soit au centre du litige permet de qualifier cette action par l’expression : « action pétitoire ». A ce titre, seul le Tribunal de grande instance (T.G.I.) est compétent. Si c’est un meuble, le prétendu propriétaire doit saisir le T.G.I. du lieu du domicile du défendeur. En revanche, si c’est un bien de nature immobilière, l’action doit être portée devant le T.G.I. du lieu où l’immeuble est situé.

Cette action est en principe imprescriptible, c’est-à-dire qu’il est toujours possible au demandeur de l’engager quelle que soit la durée de sa dépossession. Il est cependant envisageable que le défendeur lui oppose avec succès le bénéfice de la prescription acquisitive qui lui aura permis, à son tour, d’acquérir le droit de propriété. En effet, le droit de propriété est certes lié à la chose mais il peut changer de titulaire au cours de la durée de vie de celle-ci, la principale difficulté restant de le prouver.

B. La preuve de la qualité de propriétaire

La preuve parfaite du droit de propriété supposerait de remonter toute la chaîne des transmissions du bien litigieux. Or, si le caractère récent d’un bien peut parfois le permettre, ce n’est généralement pas le cas. En raison d’une impossibilité matérielle, on se contente alors de gravir cette chaîne durant les trente dernières années afin de pouvoir invoquer la prescription acquisitive. Il est donc de principe de considérer que le droit de propriété se prouve par tout moyen. C’est ainsi que l’étude des différents éléments de preuve susceptibles d’être pris en considération (1) laissera la place à l’analyse de la résolution des conflits de preuve en cas de confrontation d’éléments opposés (2).

1.  Les éléments de preuve

A l’appui de son action en revendication, le demandeur peut faire valoir :
– le titre de propriété :  il s’agit de l’acte juridique dont il est prétendu qu’il a permis l’acquisition de la propriété du bien litigieux. Contrairement aux idées reçues, il importe de considérer ce document comme un indice rendant vraisemblable le droit de propriété et rien de plus. En effet, s’il prouve manifestement l’achat d’un bien, il n’établit pas forcément que celui qui l’a vendu en était le véritable propriétaire.
– les références issues du cadastre (numéro de parcelle),
– le paiement des impôts fonciers,
– la possession.

Pour être plus efficace, en qualité de moyen de preuve, il est préférable que la possession soit suffisante pour octroyer le bénéfice de la prescription acquisitive. En revanche, si aucune des parties ne peut invoquer l’usucapion tout en présentant chacune des éléments de preuve opposés, certains indices conduiront à présumer que le droit de propriété appartient au demandeur, et d’autres à penser que c’est en réalité le défendeur qui en est titulaire en provoquant ainsi des conflits de preuve que le juge devra résoudre.

2. La résolution des conflits de preuve

Dans chaque conflit, la pratique judiciaire impose de faire prévaloir un élément de preuve plutôt qu’un autre. Il convient donc d’envisager les hypothèses les plus fréquentes dans ce type de litige.

 

Chacune des parties produit un titre de propriété. Il faut ici s’intéresser au vendeur pour savoir s’il est ou non identique dans les deux actes.
- si le vendeur est identique dans les deux titres : il a donc vendu deux fois le même bien. Dans ce cas, le titre le plus ancien doit prévaloir (si celui-ci est soumis aux règles de la publicité foncière, il s’agit de celui qui a été publié en premier).
- si le vendeur est distinct :  il ressort de la jurisprudence que les magistrats forgent leur conviction à partir des mentions contenues dans l’acte, les circonstances de la vente et la possession invoquée par l’une ou l’autre des parties. Ce dernier élément peut d’ailleurs les départager si cette possession permet, à l’une ou à l’autre, d’invoquer la prescription acquisitive.

Une seule des parties dispose d’un titre, concrètement, il s’agit le plus souvent d’un conflit entre le demandeur à l’action en revendication, qui produit le titre de propriété, et le défendeur qui invoque la possession du bien. En principe, ce différend est réglé en faveur du titulaire du titre, à condition toutefois que celui-ci soit antérieur à la possession et sous réserve de la prescription acquisitive. 


Aucune des parties n’est en mesure de produire un titre. Dans cette hypothèse, la possession va jouer un rôle déterminant.
– si le défendeur est seul possesseur : en principe, cette possession lui permet de sortir victorieux d’une action en revendication.
– si les deux parties se prévalent de la possession : cette éventualité est envisageable lorsque le demandeur à l’action fait valoir une possession antérieure à celle du défendeur. Le principe veut ici que l’emporte la possession la mieux caractérisée (ex. : les juges préfèreront un possesseur de bonne foi face à un possesseur de mauvaise
foi ou encore une possession exempte de vice face à une possession viciée).
– aucune des parties ne fait valoir de possession :  Dans de telles circonstances, le juge doit se contenter d’autres indices pour déterminer qui est le véritable propriétaire du bien. (Ex. : il
s’interroge sur l’identité de la personne qui acquitte le paiement des impôts fonciers).

Si le prétendu propriétaire est le seul à pouvoir exercer une action en revendication, il peut cependant préférer se situer sur le terrain des actions possessoires en invoquant les règles qui sont destinées à protéger la possession.

 

 

VI. Les actions possessoires

 

Les actions possessoires ne concernent que les immeubles. Elles protègent la possession en faisant abstraction du droit de propriété pour deux raisons : c’est à travers la possession que l’on protège le propriétaire, car le plus souvent, possesseur et véritable propriétaire constitue une seule et même personne. On estime également que l’exercice de ces actions contribue au maintien de l’ordre public et évite, qu’en cas d’éviction du véritable propriétaire, celui-ci ne recourt à des voies de fait pour récupérer son bien.

A. La pluralité des actions possessoires

La diversité de ces actions ne leur soustrait pas leur finalité commune qui demeure de faire cesser un trouble possessoire. Ce type de trouble est caractérisé par un fait ou un acte juridique en contradiction avec la possession et implique donc une contestation du pouvoir de fait exercé sur la chose. C’est à la variété de ces troubles que correspond la pluralité des actions destinées à protéger la possession. On recense : la complainte (1), la dénonciation de nouvel œuvre (2) et la réintégrande (3).

1. La complainte

C’est l’action possessoire la plus courante. Elle doit être mise en œuvre lorsqu’il n’existe pas de circonstances particulières liées au trouble. Cette action permet de mettre un terme à tout trouble possessoire actuel provoqué par une situation de fait ou par l’exercice d’un droit.

La complainte peut être exercée :
• lorsqu’une personne prend l’habitude de passer sur votre terrain pour se rendre chez elle,
• lorsqu’une personne stationne régulièrement son véhicule sur votre parcelle.

2. La dénonciation de nouvel œuvre

Si la complainte permet de sanctionner un trouble actuel, la dénonciation de nouvel œuvre octroie, quant à elle, la possibilité de se prémunir contre un trouble éventuel.On remarque que le voisin entreprend des travaux chez lui dont l’ampleur permet de penser que ceux-ci risquent de causer un trouble possessoire car le dépassement de la limite de propriété semble inévitable.

L’exercice de cette action suppose que :
• les travaux soient en cours d’exécution chez le voisin
• ces travaux n’aient pas encore causé de trouble possessoire au demandeur (ce trouble ne doit être qu’éventuel).

Si le juge accueille favorablement cette action, il peut ordonner l’interruption immédiate des travaux menaçants.
Si les travaux ont déjà été entrepris sur le fonds du demandeur, il faudra abandonner l’action en dénonciation de nouvel œuvre au profit de la complainte (si toutefois l’objectif est de rester dans la protection possessoire) car le trouble sera dans ce cas actuel et non plus éventuel.

3. La réintégrande

La réintégrande est également appelée « action en réintégration ». Elle est exclusivement réservée aux cas de dépossession par acte de violence et a pour objet de permettre au possesseur de réintégrer son fonds.
La jurisprudence considère qu’il y a violence lorsque le possesseur s’est opposé ou a tenté de résister à la dépossession.

A cette diversité de moyens correspond un certain nombre de règles applicables quelle que soit l’action possessoire intentée.

B.Mise en œuvre


1. Les bénéficiaires des actions possessoires

Il est de principe que les actions possessoires soient ouvertes au possesseur mais également au détenteur précaire (ex. : un locataire) dès lors que ce dernier n’agit pas contre celui duquel il tient son droit (ex. : un locataire ne peut donc pas engager une action possessoire contre son bailleur).
Pour exercer une action possessoire, il est nécessaire que le demandeur :
- ait possédé ou détenu le bien paisiblement (sans se maintenir par des actes de violences),

- ait possédé ou détenu le bien pendant au moins un an sauf pour exercer l’action en réintégration qui n’est soumise à aucun délai (compte tenu de la nature des circonstances qui provoque sa mise en œuvre).

2. L’unité procédurale

Cette unité procédurale se réalise par l’énoncé de trois règles :
• en matière d’action possessoire seul le Tribunal d’Instance est compétent quelle que soit la valeur de l’immeuble. Le recours par voie d’appel est toujours possible quel que soit le montant du litige,
• pour être recevable, les actions possessoires doivent être intentées dans l’année du trouble,
• il est impossible d’engager en même temps une action possessoire et une action pétitoire. Il existe en effet un principe de non-cumul entre le possessoire (relevant de la compétence du T.I. et qui ne concerne que la possession) et le pétitoire (relevant de la compétence du T.G.I. et qui ne concerne que la propriété). Ce postulat s’explique par la finalité de chaque action. En effet, les actions possessoires ne sont destinées qu’à mettre fin à un trouble dans la possession d’un bien et non pas à faire reconnaître un droit de propriété sur celui-ci car ce dernier objectif demeure celui de l’action en revendication (action pétitoire).


Source La propriété – A. Bamdé & J. Bourdoiseau (aurelienbamde.com)

Le 17 juillet 2019

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