
06/06/2019 par LC Expert immobilier - Expert en évaluations immobilières 0 Commentaires
La réglementation du congé du locataire dans les baux portant sur des locaux d’activités
Le bail est le contrat par lequel une personne s'oblige à mettre à disposition d’une autre l’usage d'une chose quelconque (par exemple, un local) pendant un certain temps, en échange d’une contrepartie, généralement financière.
Le contrat de location peut prendre fin notamment par un congé du locataire. Le congé donné par le locataire est l’acte par lequel ce dernier manifeste à son propriétaire sa volonté de mettre fin au contrat. En matière de bail, il existe des réglementations spécifiques s’imposant aux parties et dans lesquelles les relations locatives, notamment les modalités de congé du locataire, s’inscrivent dans un cadre rigide.
Ces règlementations ont eu pour but d'accorder une protection minimale aux titulaires de tels baux (locataires de leur résidence principale, commerçants, artisans, professions libérales...). Les dispositions contraignantes de ces réglementations spécifiques ne font pas obstacle au libre jeu de la liberté contractuelle dans la mesure où les stipulations conventionnelles ne sont pas contraires aux dispositions impératives de la loi.
I. Le congé du locataire dans le statut des baux commerciaux
A. Le statut des baux commerciaux
Le statut s’applique aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce, soit à un chef d’entreprise immatriculé au répertoire des métiers, accomplissant ou non des actes de commerce (art. L 145-1, I-al. 1 du Code de commerce).
L’immatriculation du locataire au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers n’est une condition du bénéfice au statut des baux commerciaux que pour le renouvellement du bail. Au mieux, il peut constituer un indice de l’application du statut des baux commerciaux.
Lorsque le locataire d’un bail professionnel ou de droit commun réclame au bailleur l’application du statut des baux commerciaux, il doit agir dans le délai imparti par l’article L 145-60 du Code de Commerce pour toutes actions concernant le statut des baux commerciaux, soit dans le délai de deux ans (Cass. 3ème civ. 23 nov. 2011 pourvoi n° 10- 24163).
1. Existence d’un bail portant sur un immeuble ou un local
L’existence d’un bail est la première condition d’application du statut. Certains contrats proches du bail mais juridiquement distincts ne peuvent bénéficier du statut des baux commerciaux, comme les conventions de crédit-bail (Cass. 3ème civ. 10 juin 1980), ni la location-gérance d’un fonds de commerce (Cass. 3ème civ. 10 mai 1989).
Le local au sens de l’article L 145-1 du Code de commerce a été défini comme un espace clos et couvert susceptible de recevoir de la clientèle (CA Paris 14 nov. 1956). Ne constituent pas un local soumis au statut les murs, toitures et emplacements servant à l’affichage publicitaire (Cass. 3ème civ. 20 nov. 1991), ni les aires de stationnement (Cass. 3ème civ. 18 mars 1992).
En revanche, un kiosque à journaux, situé dans le hall d’un immeuble en copropriété constitue un local, l’emplacement étant bien défini, ni aléatoire, ni changeant, et bénéficiant d’une fermeture avec un rideau métallique et d’une réserve dotée d’une clef (Cass. 3ème civ. 1er juin 2010).
L’emplacement doit également être fixe (stable et permanent), ce qui suppose que le locataire ait la libre disposition des lieux pendant toute la durée de son contrat, à défaut de quoi, il n’y aurait pas de bail.
Ainsi, l’emplacement occupé par un fleuriste dans un supermarché ne peut pas faire l’objet d’un bail commercial dès lors que le prétendu bailleur peut à tout moment le fixer ou le restreindre. Il en est de même de l’emplacement dont le découpage, la situation et la surface sont laissés à la discrétion du bailleur (Cass. 3ème civ. 20 févr. 1985).
a. Locaux servant à l’exploitation d’un fonds de commerce
L’article L 145-1, I du Code de commerce opère une distinction entre les immeubles ou les locaux dans lesquels le fonds est exploité et ceux qui sont seulement accessoires à l’exploitation de ce fonds.
Pour bénéficier de plein droit du statut des baux commerciaux, le local doit être un local principal, par opposition au local accessoire. Au sens du statut des baux commerciaux, le local principal est celui dans lequel est reçue la clientèle et/ou dans lequel sont accomplis les actes de commerce.
Les locaux accessoires sont ceux qui sont loués séparément,en vertu d’un contrat distinct de celui du local principal, et dans lesquels ne sont pas menées les opérations commerciales de l’entreprise,
mais qui leur sont utiles.
Les locaux ou d’immeubles accessoires à l’exploitation d’un fonds de commerce ne bénéficie du statut des baux commerciaux qu’à une double condition cumulative :
- si la privation de ces locaux met en péril l’exploitation principale.
Ce caractère du local accessoire, qui est souverainement constaté par les juges du fond, doit s’apprécier par rapport à l’exploitation du fonds de commerce, sans considération des possibilités de remplacement dont le locataire pourrait disposer par ailleurs. Il en résulte que la charge de la preuve de la mise en péril de l’exploitation principale par la privation des locaux incombe au locataire.
- son propriétaire est le même que celui où est situé l’établissement principal ou, en cas de pluralité de propriétaires, les locaux accessoires ont été loués en vue de l’utilisation jointe.
Ce local accessoire doit appartenir au propriétaire du local principal qui est alors censé connaître l’utilisation qui est faite dudit local accessoire. S’il appartient à un propriétaire différent, le bailleur de ces locaux accessoires doit les avoir donnés en location en pleine connaissance de leur utilisation jointe (Cass. 3ème civ. 19 juil. 1995 - Cass. 3ème civ. 19 mars 2008).
Ainsi, la Cour d’appel de Paris (16ème ch. A, 27 sept. 2006) considère que la connaissance du bailleur de l’utilisation jointe résulte suffisamment des correspondances qui lui ont été adressées par le candidat locataire antérieurement à la signature du bail par lesquelles celui-ci lui indiquait son besoin de disposer d’un local fermé et suffisamment sûr pour contenir les marchandises destinées à être exposées dans la boutique.
b. Absence d’un local principal
Certaines activités commerciales peuvent être exercées en dehors de tout local principal ; tel est le cas des forains, des marchands ambulants sur la voie publique ou dans les marchés. Ces commerçants utilisent généralement des remises ou hangars pour le stockage de leurs marchandises et matériels.
Pendant longtemps, la jurisprudence a considéré que le local accessoire ne pouvait exister faute de local principal. Cependant, on note un infléchissement dans cette opinion.
Ainsi, la jurisprudence admet la protection de ces locaux soit :
- en les qualifiant de locaux principaux d’une exploitation car ils en constituent le centre nerveux et le véritable cerveau (Cass. civ. 25 avr. 1963) ;
- en considérant qu’en l’absence de ce local le commerce ne pouvait subsister (Cass.com. 1er mars 1966 - CA Paris, 16èmech. A 1er oct. 1986).
2. Exploitation d’un fonds dans les lieux loués
S’il est nécessaire que l’intention des parties ait été que les lieux servent à l’exploitation d’un fonds de commerce ou d’un fonds artisanal, il ne suffit pas que les parties aient voulu cette destination. Il faut encore qu’un véritable fonds de commerce ou un fonds artisanal existe et que le locataire en soit le propriétaire.
a. Existence d’une clientèle
L’existence d’un fonds commercial, industriel ou artisanal suppose l’existence d’une clientèle indépendante. La clientèle est l’élément essentiel sans lequel il n’est pas de fonds de commerce (Cass. 3ème civ. 18 mai 1978), et il appartient au locataire d’en rapporter la preuve (Cass. 3ème civ. 29 oct. 1985).
L’existence d’une clientèle suscite des difficultés lorsque le local est situé dans un ensemble commercial (centre commercial, terrain de sport). Le locataire ne peut prétendre au bénéfice du statut que si les trois conditions suivantes sont réunies :
- disposition d’un local déterminé
- clientèle propre
- Absence de contraintes incompatibles avec le libre exercice de l’activité
b. Propriété du fonds
Pour se prévaloir des dispositions du Code de commerce, le locataire doit être propriétaire du fonds qu’il exploite dans les lieux loués (Cass. 3ème civ. 25 janv. 1983). Peu importe le mode d’exploitation pourvu que le locataire conserve la propriété du fonds.
c. Nature commerciale, industrielle ou artisanale de l’activité
Il faut que l’activité soit de nature commerciale, industrielle, ou artisanale et qu’un fonds soit effectivement exploité dans les lieux, indépendamment de la destination des lieux, commerciale, industrielle ou
artisanale et de l’affectation des locaux. « Sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle » (art. L 121-1 du Code de commerce).
Les actes de commerce sont définis par l’article L 110-1 du même code.
L’article L 110-2 du Code de Commerce répute également commerciales d’autres opérations économiques.
Les commerçants, personnes physiques ou morales, doivent être immatriculés au registre du commerce et des sociétés.
Une fois exclues les activités des :
- professions libérales : conseil juridique et fiscal (Cass. 3ème civ. 4 oct. 1983), vétérinaire (CA Paris 4 nov. 1970) ;
- associations (association qui n’exploite pas un fonds de commerce : CA Paris 17 janv. 1984) ;
- syndicats professionnels ;
- sociétés civiles ;
- sociétés de forme commerciale à objet purement civil telles qu’une société d’ingénierie (Cass. 3ème civ. 5 mars 1971), les sociétés d’expertise comptable (Cass. 3ème civ. 7 nov. 1973), d’architecture, de
géomètre expert ou encore les sociétés, d’exercice libéral, sauf celles des pharmaciens, qui sont à la fois des professionnels libéraux et des commerçants.
On peut considérer que, dans l’ensemble, toutes les autres activités économiques sont commerciales, industrielles ou artisanales.
Il en va particulièrement ainsi des activités d’intermédiaire, car l’activité est elle-même commerciale, bien que les affaires traitées puissent être purement civiles (généalogistes, agents immobiliers, conseils en organisation…).
Mais, on doit être attentif à certains acteurs économiques qui ne sont pas commerçants :
- l’agent d’assurances (société d’assurance à forme mutuelle ayant une activité civile : CA Rennes 3 mai 1977) ; en revanche, le courtier est commerçant ;
- l’agent commercial et VRP (Cass. com. 2 nov. 1954).
Par ailleurs, le statut des baux commerciaux s’applique de plein droit aux artisans, sans qu’il y ait lieu de rechercher s’ils accomplissent ou non des actes de commerce.
Les artisans, au sens large, doivent être immatriculés au répertoire des métiers tenu par la chambre des métiers.
Le statut des baux commerciaux s’applique aux fonds appartenant à une entreprise assujettie à l’immatriculation au répertoire des métiers, c'est-à-dire aux personnes physiques ou morales qui exercent une
activité professionnelle indépendante de production, de transformation, de réparations ou de prestations de services à titre principal ou secondaire, et n’employant pas plus de dix salariés (décret n° 83-487 du 10 juin 1983 art. 1er).
B L’extension du champ d’application du statut des baux commerciaux
1. Extension légale du statut
Les locations suivantes sont soumises au statut (art. L 145-2, I du Code de Commerce) :
- baux des locaux ou immeubles abritant des établissements d’enseignement ;
- baux consentis à des artistes, auteurs d’œuvres graphiques et plastiques ;
- baux consentis à certaines personnes publiques ;
- baux de locaux ou immeubles abritant certaines personnes morales de droit privé ;
- baux d'un local affecté à un usage exclusivement professionnel si les parties ont conventionnellement adopté ce régime.
a. Établissements d’enseignement
Tous les établissements d’enseignements locataires sont protégés par le statut (art. L 145-2, 1° du Code de commerce), qu’ils soient publics ou privés, quelle que soit la nature de la discipline enseignée,
intellectuelle ou sportive et sans qu’il soit nécessaire qu’ils constituent des entreprises commerciales.
Ils doivent tout de même remplir les conditions suivantes :
- l’établissement appartient au locataire (Cass. 3ème civ. 16 déc. 1980) ;
- un véritable fonds d’enseignement doit exister, c'est-à-dire une activité professionnelle d’enseignement, à laquelle est attachée une clientèle (Cass. 3ème civ. 25 oct. 1983) ;
- un enseignement est dispensé, au moins pour partie, dans les lieux loués (Cass. com.17 déc. 1963 – Cass. 3ème civ. 26 févr. 1992) :
Il doit s’agir d’une scolarité ou d’un enseignement organisé et dispensé dans les lieux de manière permanente. Le statut ne s’applique donc pas à l’enseignement par correspondance ou se tenant à l’extérieur, sauf si le locataire peut bénéficier du statut, en tant que commerçant.
- l’établissement est agrée par l’administration à la date à laquelle le locataire qui l’exploite doit réunir les conditions pour avoir droit au renouvellement de son bail (Cass. com. 6 mai 1963). A défaut
d’autorisation, le locataire ne peut pas bénéficier de la propriété commerciale, le droit au renouvellement du bail étant subordonné à la régularité de l’exploitation (Cass. 3ème civ. 14 janv. 2004 - Cass. 3ème
civ 4 févr. 2009 n° de pourvoi : n° 08-11.433). En ce sens, l’existence d’un bail commercial est subordonnée à la régularité de l’exploitation de l’activité d’enseignement et notamment de l’obligation d’effectuer
une déclaration au représentant de l’État dans le département lors de l’ouverture, de la fermeture ou de la modification de l’activité d’un établissement où est dispensé un enseignement de la danse (CA Grenoble 1ère ch. 23 mai 2011).
b. Artistes
Les dispositions du Code de commerce s’appliquent aux baux des locaux consentis à des artistes réunissant deux conditions (art. L 145-2, I-6° du Code de Commerce) :
- être admis à cotiser à la caisse de sécurité sociale de la Maison des artistes : il s’agit donc de ceux qui tirent l’essentiel de leurs revenus de leur art ;
- être reconnu auteurs d’œuvres graphiques et plastiques, au sens de l’article 98 A de l’annexe III du Code Général des Impôts. Cet article énonce la liste des œuvres d’art prises en compte.
Les artistes n’ont nul besoin d’être immatriculés au RCS ou au répertoire des métiers. En revanche, ils doivent réaliser des travaux de création dans les lieux loués (Cass. 3ème civ. 21 févr. 2007).
En sens contraire, l’article L 145-2, I-6° du Code de commerce n’exige pas que l’auteur crée dans les lieux puisqu’il suffit que le locataire y vende ses création, ni même que le local soit enregistré dans les fichiers tenus par la Caisse de sécurité sociale de la maison des artistes (Cass. 3ème civ. 23 mars 2011).
c. Certaines personnes publiques
- Régies communales
Les dispositions du Code de commerce s’appliquent aux baux consentis aux communes pour des locaux affectés, soit au moment de la location, soit ultérieurement et avec le consentement exprès ou tacite du propriétaire, à des services exploités en régie (art. L 145-2, 2 du Code de commerce).
Ce que l’on appelle « régies » vise les organismes administratifs, pourvus de l’autonomie financière et parfois de la personne morale, qui sont constitués par les personnes morales de droit public (collectivités territoriales) pour exploiter directement certains services généralement industriels et commerciaux.
- Entreprises publiques à caractère commercial
Le statut s’applique aux baux d’immeubles ou de locaux principaux ou accessoires nécessaires à la poursuite de l’activité des entreprises publiques et établissements publics à caractère industriel ou commercial, dans les limites définies par les lois et règlements qui les régissent et à condition que ces baux ne comportent aucune emprise sur la voie publique (art. L 145-2, 3° du Code de commerce).
- Collectivités publiques
L'article L. 145-2-I, 4° du Code de commerce rend les dispositions relatives aux baux commerciaux applicables aux baux des locaux ou immeubles appartenant à l’État, aux collectivités territoriales et aux établissements publics, sous certaines conditions.
d. Certaines personnes morales privées
- Sociétés coopératives et caisses d’épargne et de prévoyance
Les baux d’immeubles abritant soit des sociétés coopératives ayant la forme commerciale ou un objet commercial, soit des sociétés coopératives de crédit, soit des caisses d’épargne ou de prévoyance sont soumis au statut (art. L 145-2, 5° du Code de commerce).
- Groupements d’intérêt économique
Rompant avec une jurisprudence très stricte (Cass. 3ème civ. 22 janv. 1980) qui déniait l’application du statut aux GIE aux motifs qu’ils ne pouvaient ni réaliser des bénéfices, ni faire à titre principal et de manière habituelle des actes de commerce pour leur propre compte, le législateur est intervenu pour accorder à ces groupements le bénéfice du statut lorsque leurobjet est commercial (art. L 251-4, al. 1er du code de commerce).
2. Extension conventionnelle du statut
Les parties peuvent décider de soumettre au statut des baux commerciaux un bail normalement exclu de son champ d’application sous réserve de respecter certaines conditions. Les parties à un bail professionnel sont autorisées, depuis la loi n° 2008-776 dite de modernisation de l’économie LME, à se placer conventionnellement sous le régime des baux commerciaux dès la conclusion du bail.
- Respect des législations d’ordre public
Les parties ne doivent pas se placer sous le régime du statut pour faire échec à une réglementation d’ordre public, telle que la législation sur les baux d’habitation ou professionnels de la loi du 1er septembre 1948 (CA Paris 30 nov. 1990).
- Renonciation du bailleur :
Lorsque le bailleur accepte une extension conventionnelle du statut, il renonce à en invoquer les conditions d’application. Ainsi, en cas de soumission volontaire au statut des baux commerciaux, l'immatriculation du preneur au registre du commerce et des sociétés n'est pas une condition impérative de son droit au renouvellement (Cass.3ème civ. 10 juil. 2007 – Cass. 3ème civ. 9 févr. 2005 – Cass. 3ème civ. 1 juil. 2003 – CA Paris, 12ème ch. A 12 juin 2007).
Il n’est pas nécessaire que l’extension conventionnelle résulte d’une stipulation expresse (Cass. 3ème civ. 20 juin 1990), mais le bailleur doit avoir manifesté de façon non équivoque sa volonté de ne pas se prévaloir des conditions auxquelles est subordonné le bénéfice du statut (Cass. 3ème civ. 6 juil. 1982 – Cass. 3ème civ. 20 mars 1996). Les juges du fond doivent rechercher si le bailleur a manifesté cette volonté (Cass. 3ème civ. 4 mars 1987), leur appréciation étant souveraine (Cass. 3ème civ. 5mars 2003).
En présence d’un bail, succédant à un bail renouvelé, lui-même « qualifié de bail commercial », dont les clauses concernant la durée, les modalités du congé et la révision du loyer visaient expressément les dispositions du décret du 30 septembre 1953, une cour d’appel a pu souverainement déduire que les parties avaient placé de façon non équivoque le contrat sous le statut des baux commerciaux (Cass. 3ème Civ. 10 juil. 2007).
Pour d’autres illustrations de l’appréciation des juges du fond en la matière (CA Paris 16ème ch. A 22 oct. 2008 - CA Paris 16ème ch. A 10 déc. 2008).
La Cour de cassation a clairement jugé qu’en cas d’extension conventionnelle les clauses du bail contraires aux dispositions impératives du statut sont nulles (Cass. ass. plén. 17 mai 2002 : doc. 33 – CA Paris 16ème ch. B 22 févr. 2007).
Il en résulte que lorsque l’adoption volontaire du statut des baux commerciaux est établie, elle est intégrale et permanente (CA Douai, 2ème ch. 2ème sect. 28 juin 2007) décidant que le bailleur ne peut se soustraire au paiement de l’indemnité d’éviction en invoquant l’inexploitation des lieux.
C Les baux commerciaux ne relevant pas du statut
1. Bail emphytéotique
Le bail emphytéotique avait été à l’origine conçu pour la mise en valeur et l’entretien de grands espaces ruraux, mais il a vu son cadre d’application s’étendre à toutes sortes de biens immobiliers et s’applique donc aujourd’hui aux immeubles à usage industriel ou commercial, au même titre qu’aux immeubles agricoles ou d’habitation.
L’article L 145-3 du Code de commerce exclut expressément le bail emphytéotique du domaine d’application du statut, sauf en ce qui concerne la révision du loyer. L'impossibilité de se prévaloir du bénéfice du statut des baux commerciaux qui vaut pour le bailleur ne s'étend pas au preneur du bail emphytéotique. Ce dernier peut en effet conclure un bail commercial avec un preneur tiers, dès lors que les conditions d’application du statut des baux commerciaux sont réunies. Mais à l’arrivée du terme du bail emphytéotique, le preneur commercial ne peut prétendre à aucun droit au maintien dans les lieux et partant, au paiement d’une indemnité d’éviction.
En revanche, le bail à usage d’habitation consentie par l’emphytéote est opposable au propriétaire, malgré l’expiration du bail emphytéotique (Cass. 3ème civ. 2 juin 2010) en l’absence de toute disposition expresse interdisant de prolonger les baux d’habitation au-delà de la date d’expiration du bail emphytéotique.
Le bail emphytéotique se distingue par sa longue durée (comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans), par le fait qu’il confère au locataire un droit réel se caractérisant par l’absence de toute restriction de jouissance de quelque nature que ce soit, qui doit faire l’objet d’une publicité hypothécaire pour pouvoir être opposé aux tiers. Il se caractérise par une très large liberté du locataire dans l’utilisation de l’immeuble et dans la sous-location et la cession du bail, une longue durée, un loyer librement convenu et généralement minime. Il est organisé par les articles L 451-1 à L 451-14 du Code rural.
En vertu de l’article L 451-6 du Code rural, le preneur ne peut se libérer de la redevance, ni se soustraire à l'exécution des conditions du bail emphytéotique en délaissant le fond. Le locataire ne peut donc pas donner congé, mais la liberté de sous louer ou de céder le bail permet d’atténuer cette inconvénient. D’ailleurs, le bail conclu pour une longue durée, qui comporte une clause limitant sa cession ne peut être qualifié de bail emphytéotique (Cass. 3ème Civ. 29 avril 2009 n° de pourvoi :08- 10.944). En revanche, le bénéfice de la qualification de bail emphytéotique ne peut être acceptée malgré la longue durée du bail et la dénomination donnée à l’acte par les parties ; la modicité du loyer ne pouvant se comprendre qu’en relation avec les charges imposées au preneur d’améliorations apporter au fonds (CA Nîmes, 1ère ch. Civ. Sect. B, 24 nov. 2009).
2. Bail de courte durée
Il s’agit d’un contrat soumis au Code civil, c'est-à-dire à la libre convention des parties, tant en ce qui concerne les relations locatives pendant le cours du bail, que normalement l’organisation de son terme.
Pendant le cours du bail, aucune des dispositions spécifiques du statut ne peut recevoir application. L’article L 145-5 du Code de commerce (doc. 34) assigne des limites très précises au bail de courte durée.
Les parties ne peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du locataire, déroger au statut des baux commerciaux qu’à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à deux ans. L’article L 145-5 du Code de commerce (modifié par la loi n° 2008-776 dite de modernisation de l’économie LME) autorise désormais la conclusion de baux successifs exclus du statut des baux commerciaux à la condition que les durées cumulées ne soient pas supérieures à deux ans.
En effet, auparavant, seule la conclusion d’un bail unique d’une durée égale ou inférieure à 24 mois permettait aux parties de déroger valablement au statut des baux commerciaux.
Si, au terme du bail ou des baux dérogatoires successifs, le locataire reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail régi par le statut (art. L 145-5, al. 2 du Code de commerce). A défaut d’accord entre les parties, le loyer doit correspondre à la valeur locative (Cass. 3ème civ. 14 déc. 2005).
Il suffit que le locataire soit laissé en possession, c'est-à-dire reste sans opposition du propriétaire (Cass. 3ème civ. 8 oct. 1986). Ce dernier doit manifester sa volonté de ne pas laisser le locataire en
possession des lieux à la date d’expiration contractuelle du bail dérogatoire. Il appartient au bailleur de rapporter la preuve qu’il n’avait pas la volonté de laisser le locataire en possession.
Aucune clause du bail ne peut avoir pour effet de dispenser le bailleur de faire connaître au locataire son opposition à son maintien dans les lieux (Cass. 3ème civ. 4 mai 2010). L’issue normale d’un bail dérogatoire est liée au départ du preneur pour le terme convenu. Le preneur n’a pas droit, sauf convention particulière, à donner congé avant la fin du bail dérogatoire.
3. Convention d’occupation précaire
L’existence de conventions d’occupation précaire est admise depuis l’entrée en vigueur du statut. La référence dans le contrat à la notion de précarité ne constitue pas un élément suffisant. Il ne suffit pas d'intituler convention d'occupation précaire un contrat pour que celui-ci reçoive effectivement cette qualification.
Il ressort de la jurisprudence que la notion de convention d'occupation précaire est caractérisée par la fragilité du droit de l'occupant, la limitation de son droit de jouissance et le faible montant de la redevance. La fragilité du droit d'occupation découle des clauses permettant à l'une ou l'autre des parties de mettre fin au contrat à tout moment.
Deux arrêts (Cass. 3ème civ. 19 nov. 2003 – Cass. 3ème Civ. 9 nov. 2004) ont donné la définition de la convention d’occupation précaire, laquelle se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances particulières et pour une durée dont le terme est marqué par d’autres causes que la seule volonté des parties. Il est de principe constant que le juge appelé à se prononcer sur l'existence éventuelle d'une convention d'occupation précaire doit rechercher les circonstances particulières qui ont motivé le contrat.
Le rappel des motifs qui sont à l'origine de la démarche du propriétaire et de l'occupant et qui constituent la preuve de la commune intention des parties paraît donc s'imposer dans le texte de la convention.
Les juges ont pu valider une convention d’occupation précaire motivée par l’existence de circonstances particulières, indépendantes de la seule volonté des parties, en l’occurrence, la signature du bail était conditionnée à l'accord de créanciers hypothécaires et le caractère provisoire de l'occupation était corroboré par un protocole indiquant que les locaux étaient mis à disposition dans l'attente de la construction d'un nouvel immeuble (Cass. 3ème civ. 29 avr. 2009 n° de pourvoi : 08-13.308).
La location, par un bailleur social d’une aire de stationnement vacante à titre précaire et révocable à un tiers en raison de dispositions d’ordre public du Code de la Construction et de l’Habitation applicable dans le cadre de la règlementation HLM, s’analyse en une convention d’occupation précaire (CA Paris ch. 5-3 28 oct. 2009 – Cass.3ème civ. 5 avr. 2011).
Il convient de préciser que le bailleur n’est pas recevable à invoquer contre l’occupant une clause de la convention d’occupation précaire conclue pour faire échec à l’application du statut légal des baux commerciaux (Cass. 3ème civ. 1er avr. 2009).
4. Locations à caractère saisonnier
Les locations consenties pour la durée d’une saison sont exclues du statut.
Les renouvellements successifs de locations saisonnières ne sont pas de nature à donner droit au statut (art. L 145-5, al. 4 du Code de Commerce). Le texte fait référence à la saison, mais n’en détermine pas la durée. Il s’agit d’une période de l’année propice à une activité ou à la fréquentation d’un lieu.
Mais, la stipulation selon laquelle les locaux sont loués pour des périodes déterminées de l’année ne confère pas nécessairement à la location un caractère saisonnier exclusif de l’application du statut.
En résumé, la véritable location saisonnière, ne donnant assurément pas droit au bénéfice du statut, est celle à l’occasion de laquelle le propriétaire reprend effectivement la disposition des lieux entre chaque saison.
En ce sens, une location n’a pas un caractère saisonnier lorsque le locataire conserve la disposition des locaux toute l’année, y entrepose des marchandises et règle les charges et les factures d’eau et d’électricité sur une période annuelle (Cass. 3ème civ. 15 févr. 2011).
De même, alors que le bail prévoyait l’occupation par le locataire du local sur une période de six mois du 1er avril au 30 septembre durant trois années d’affilée, il n’est pas contesté par les parties qu’à partir de janvier 2004, les locataires ont ouvert le dépôt de pain et de pâtisserie du 1er janvier au 31 décembre de l’année. Quoique qualifié de saisonnier par la convention, le bail a dès lors perdu ce caractère en fait à partir du 1er janvier 2004 (CA Rennes 6 avril 2011).
Mais, la simple tolérance du propriétaire qui n’avait pas exigé la restitution des locaux à la fin de plusieurs saisons consécutives, avait pour seul intérêt d’éviter au locataire d’avoir à déménager son matériel et ses restes de stock, sans pour autant donner à la convention un caractère annuel (Cass. 3ème civ. 18 janv. 2011). Le bail doit clairement définir la période au terme de laquelle les locaux doivent être restitués. Sauf convention contraire, le preneur n’a pas droit à donner congé avant la fin de la saison.
D. Les modalités du congé du locataire
1. Le congé du locataire en fin de bail
a. Suppression de la référence aux usages locaux
Le congé est organisé et réglementé par l’article L 145-9 du Code de commerce. L’article 45 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 dite LME supprime toute référence aux « usages locaux » et au « terme d’usage », qui figuraient aux articles L. 145-9 et L. 145-12 du code du commerce. Il résultait de ces articles que des échéances différentes pouvaient être appliquées selon le lieu de conclusion du bail commercial, d’autant que la connaissance et le maniement de ces usages ne sont guère aisés. Dès lors, la loi L.M.E harmonise sur tout le territoire les termes des baux commerciaux et des procédures liés à son renouvellement ou à son congé.
Le bail ne cesse que par l’effet d’un congé, et à défaut, il se poursuit par prorogation tacite au-delà de son terme. Les parties peuvent l’une et l’autre donner congé pour le terme du bail, sous réserve que la dénonciation soit effectuée par exploit d’huissier et en respectant un préavis d’au moins six mois.
Mais si congé n’est pas donné à temps pour cette échéance, le contrat deviendra alors un contrat à durée indéterminée, le congé pouvant alors être signifié à tout moment, sous la réserve du respect du délai de préavis et de la date d’effet du congé, qui n’est plus conditionné par les usages locaux.
Désormais, en période de tacite prolongation du bail commercial, dès lors que le terme du contrat est dépassé, le congé pourra être délivré à tout moment, pour le dernier jour du trimestre civil (soit les 31 décembre, 31 mars, 30 juin et 30 septembre), éloigné de plus de six mois et la demande de renouvellement faite le cas échéant prendra toujours effet au premier jour du trimestre civil qui lui fera suite.
b. Controverse après la suppression de la référence aux usages locaux
Une controverse s’est instaurée après la suppression de la référence aux usages locaux par la loi LME dans l’article L 145-9 du Code de Commerce. En effet, une réponse ministérielle du 5 mai 2009 (n° 43709 JOAN Q 5 mai 2009) dont le caractère général et sans distinction de ces deux périodes du bail commercial que sont sa période contractuelle initiale et sa période de tacite prolongation laisse penser que désormais tout congé, fût-il délivré pour une échéance triennale ou pour le terme contractuel, ne peut l’être que pour le dernier jour du trimestre civil faisant suite à l’échéance et non pour ladite échéance contractuelle.
Par conséquence, cette interprétation obligerait le locataire, qui veut quitter les lieux en donnant congé, à payer jusqu’à près de trois mois de plus de loyer pour atteindre la fin du trimestre suivant.
Selon M. J-P Blatter, une décision de la Cour de cassation du 23 juin 2009 ((3ème civ) est de nature à mettre fin à la controverse suscitée par la réponse ministérielle évoquée.
En effet, la cour de cassation énonce que « la règle de l’article L 145-9 du Code de Commerce selon laquelle les baux ne cessent que par l’effet d’un congé donné suivant les usages locaux » ne s’applique qu’en cas de reconduction du bail.
Les usages locaux étant remplacés par le dernier jour du trimestre civil, que ce soit pour l’échéance triennale ou pour le terme contractuel, le congé doit donc bien être donné pour lesdites échéances sans avoir égard au terme d’usage. M. Blatter estime que « cette jurisprudence tombe à point nommé et apporte sinon un démenti, tout au moins une précision et un complément majeurs à la réponse ministérielle ». Cette position de la cour de cassation a été reprise dans plusieurs décisions (TGI Paris, 18ème, 2ème Sect. : 28 janvier 2010 - 17 juin 2010 - TGI Paris, 1ère ch.1ère Sect. 8 décembre 2010), ainsi que de la Cour d’Appel de Paris (CA Paris, pôle 1, 4ème ch. 6 avril 2012 JurisData n°2012-011876), confirmation de nature à clore la controverse.
La loi relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives n°2012-387 du 22 mars 2012 met définitivement fin à cette controverse en modifiant une nouvelle fois l’article L 145-9 du Code de Commerce. La nécessité de donner congé pour le dernier jour du trimestre civil est précisée dans son champ d’application. Elle ne concerne que l’hypothèse de la tacite prolongation. Elle ne vise ni le congé délivré à la fin du bail pour son échéance contractuelle, ni le congé donné pour les échéances triennales.
2. Droit de résiliation anticipée du preneur
Il faut savoir qu’aux termes de la plupart des contrats, le droit au bail n’est pas librement cessible seul, sans le fonds de commerce. La résiliation a donc pour objet de permettre au locataire qui, par exemple, ferait de mauvaises affaires de se dégager des obligations résultant pour lui du bail, s’il ne peut céder son fonds de commerce.
a. Résiliation triennale
Le locataire a la faculté de résilier le contrat tous les trois ans et de quitter les lieux, sous réserve que la dénonciation soit effectuée par exploit d’huissier et en respectant impérativement un préavis d’au moins six mois (art. L 145-4 et L 145-9 du Code de commerce).
Un congé donné irrégulièrement ou tardivement serait soit inefficace, soit reporté à la prochaine échéance triennale. Tout congé donné pour une date postérieure au terme prévu verra ses effets reportés à l’issue de la période triennale suivante. Cette faculté de donner congé existe, pour le locataire, à chaque échéance triennale, sauf convention.
En effet, la loi du 30 décembre 1985 a autorisé la convention contraire ; les parties peuvent ôter au locataire la faculté de résiliation triennale comme convenir d’un autre calendrier de résiliation anticipée
au profit du preneur, par exemple, annuellement.
La résiliation du bail entraîne, pour le locataire, l’obligation de restituer les locaux. Jusqu’à l’échéance de la période triennale en cours, il doit continuer de payer les loyers et charges.
b. Résiliation amiable
La résiliation amiable n'est soumise à aucune condition de forme particulière : elle exige l’accord des parties sur la rupture du bail, dont il convient de rapporter la preuve. Un arrêt de la cour de cassation du 14 nov. 2007 (3ème civ) confirme le caractère exclusivement conventionnel d’une pareille résiliation en jugeant que « lorsque la résiliation amiable d’un bail commercial est subordonnée à la signature d’un nouveau bail avec le successeur du locataire, le bailleur peut, sauf abus de droit, modifier les conditions de la nouvelle convention ».
En cas de résiliation amiable, même accordée sur demande du locataire, le propriétaire du local dans lequel était exploité un fonds de commerce doit notifier la demande de résiliation aux créanciers, qui bénéficient d’un privilège ou d’un nantissement régulier sur le fonds.
En présence d’inscriptions, la résiliation amiable ne deviendra définitive qu’un mois après la notification effectuée aux domiciles élus par les créanciers dans l’inscription de leur privilège (art. L 143-2 du Code de Commerce).
Dès lors que la notification a été effectuée, les créanciers s’ils ne substituent pas aux obligations du locataire ne peuvent s’opposer à la résiliation. A défaut d’avoir effectué les formalités prescrites par l’article L 143-2 du Code de Commerce, la résiliation du bail est inopposable aux créanciers inscrits sans qu’il puisse être ultérieurement supplée à ce défaut de notification.
Cependant, seul le créancier inscrit peut se prévaloir du manquement aux obligations faites au bailleur par l’article L 143-2 du Code de Commerce(Cass. Com. 16 oct. 2007).
Le recours du créancier en responsabilité contre le bailleur pour défaut de notification de la demande de résiliation n’a pas pu aboutir en raison de son inertie. Après avoir reçu le jugement de résiliation du bail 18 mois plus tard, le créancier s’est abstenu de toute initiative pendant six ans (Cass. 3ème civ. 9 nov. 2011 pourvoi n° 10-20021).
c. Cession du droit au bail ou de l’activité du locataire
La cession de bail est l'acte juridique par lequel le locataire appelé « cédant » transfère son contrat de location à un tiers, le cessionnaire, qui va l'exécuter à sa place. Le bail initial subsiste, le cessionnaire
devient locataire au lieu et place du cédant. La cession du seul droit au bail est souvent qualifiée de « cession de pas-de-porte ».
Le fonds de commerce est un bien meuble qui se compose à la fois d’éléments corporels (le mobilier, le matériel et l’outillage, les marchandises) et incorporels (la clientèle, le droit au bail, le nom commercial,
l’enseigne ou le nom commercial, les brevets et marques de fabrique, etc.). L’exploitant d’un fonds de commerce artisanal ou industriel peut souhaiter, en cours de bail, céder son fonds. La cession de l’activité entraînera celle du droit au bail, celui-ci constituant un des éléments incorporels du fonds. Cette cession du fonds de commerce à un successeur ne peut être interdite contrairement à la cession du droit au bail ; elle peut seulement être organisée quant à ses modalités.
3. Départ à la retraite du locataire et locataire handicapé
La faculté de dénoncer à tout moment le bail est prévue par le 4ème alinéa de l’article L 145-4 du Code de commerce en faveur du locataire qui prend sa retraite ou qui bénéficie d’une pension d’invalidité. Ces mesures sont étendues à l’associé unique d’une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée et au gérant majoritaire de SARL titulaire du bail commercial (art. L 145-4 5ème alinéa du Code de commerce).
Cette disposition est une dérogation légale à la règle selon laquelle le locataire ne peut, sauf, clause contraire, mettre fin à son bail, qu’à l’occasion d’une échéance triennale. Ce congé peut être donné à tout moment, dans les formes et délai de l’article L 145-9, c’est-à-dire par acte extrajudiciaire, pour le dernier jour du trimestre civil et au moins six mois à l'avance. Celui-ci doit être motivé et justifié pour permettre au bailleur d’en vérifier la régularité.
Ce genre de congé ne présente pas grand avantage pour le locataire et n’est guère utilisé en pratique, car l’article L 145-51 du Code de commerce permet au locataire prenant sa retraite ou bénéficiaire d’une pension d’invalidité de céder son droit au bail sans le fonds de commerce pour de nouvelles activités.
Le locataire en situation de cumul emploi-retraite (de base) peut céder son droit au bail avec changement d’activité, lorsqu’il demande le bénéfice de sa retraite complémentaire et qu’il cesse toute activité professionnelle (Cass. 3ème civ. 23 nov. 2011 pourvoi n°10-25108). La demande d’ouverture des droits à la retraite rentre ainsi également dans le cadre de l’article L 145-51 du Code de Commerce.
Le locataire n’utilisera donc sa faculté de résiliation qu’à défaut d’avoir pu céder le fonds ou le bail.
II. Le congé du locataire dans le statut des baux professionnels
A Le mini statut des baux professionnels
1. Notion de « bail professionnel »
L’article 57A de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est d’ordre public et s’applique en cas de locations de locaux vacants à usage « exclusivement professionnel ». Les baux à usage mixte professionnel et d’habitation sont pour leur part régis par la loi du 6 juillet 1989 (art. 2 de la loi du 6 juillet 1989).
En vertu de l’article 57 A, les contrats à usage professionnel doivent en effet être conclus pour une durée déterminée, six ans minimum. Leur tacite reconduction est également réglementée, ainsi que le congé.
Cette disposition a eu pour but d'accorder une protection minimale aux titulaires de tels baux qui n'étaient pas protégés dans l'exercice de leur profession, contrairement à d'autres personnes (commerçants, artisans, agriculteurs...).
Il n’y a pas de définition légale du bail « professionnel » à laquelle fait pourtant référence la loi à plusieurs reprises.
Le bail exclusivement professionnel se définit avant tout de manière résiduelle, par élimination de ce qui en est exclu. On peut définir le bail professionnel comme le contrat par lequel une personne s'oblige à mettre à disposition moyennant un certain prix un local à une autre personne en vue de l’exercice exclusif de sa profession, dès lors qu'il ne relève pas d'un statut particulier, qui ne soit ni agricole, ni commerciale, industrielle ou artisanale.
Il s'ensuit que le bail professionnel concerne les professions libérales (avocat, notaire, huissier, dentiste, infirmière, etc.).
D’après l’administration fiscale ou l’INSEE, il faut entendre par là les professions « où l’activité intellectuelle joue le rôle principal et consistant en la pratique en toute indépendance d’un service ou d’un art ».
2. Applications
Les personnes morales peuvent, comme les personnes physiques, se prévaloir de l’article 57 A, peu importe que le locataire soit une société : seule est à considérer l’activité dans les lieu (Cass. 3ème civ. 7 nov. 2001 – CA Paris 16ème ch. A, 12 sept. 2007).
La jurisprudence a accordé le bénéfice du bail professionnel à des associations, notamment à l’une d’elles dont l’activité était de promouvoir la réhabilitation d’immeubles et dont les ressources résultaient notamment de ses activités (Cass. 3ème civ. 10 déc. 2002), ainsi qu’à une autre dont l’objet est la tenue de cours d’art dramatique ainsi que l’organisation et la présentation de spectacles dans les lieux loués, dès lors que les revenus de l’association proviennent essentiellement de ses spectacles et animations (CA Paris, 6ème ch. B, 11 mai 2006).
En ce sens, peut bénéficier d’un bail professionnel, une association ayant pour but « d’apporter une logistique et un soutien financier aux associations et particuliers membres, suivant des règles préétablies, de créer une dynamique d’épargne et de favoriser la solidité active de toute personne vivant sur le sol guadeloupéen désirant créer une entité artisanale ou commerciale » (CA Basse Terre, 2ème ch. 10 mars 2008).
Un groupement d'intérêt économique s'est également vu reconnaître le bénéfice de l'article 57 A car même si son objet est de faciliter l'activité de ses membres (experts-comptables), il participe de la nature même de leur activité professionnelle (CA Paris, 16ème ch. A, 5 mars 2003).
Ces décisions révèlent une tendance à vouloir étendre le champ d’application de l’article 57 A à toute personne physique ou morale qui exercent une activité économique dans les lieux loués. En revanche, le bail d’une association locataire constituant une amicale de ressortissants japonais en France, dont il n'était pas démontré qu'elle ait exercé à titre onéreux de manière habituelle ou que ses ressources résultent, notamment, de ses activités, est soumis au droit commun issu du code civil (CA Paris, 6ème ch. C, 13 mai 2008).
Le locataire de locaux pour une activité de conseil en stratégie et organisation ne peut non plus revendiquer le bénéfice du statut des baux professionnels (CA Paris, 16ème ch. B, 18 avr. 2004). De même, ne relève pas de l’article 57 A la location consentie à une filiale de la RATP à 99 %, qui exerce l’activité de promoteur (CA Paris, 6ème ch A, 30 oct. 1995) tout comme un établissement public exerçant une mission de service public ne lui assurant aucun revenu (CA Paris, 6ème ch. Sect. B, 8 mars 2007).
Une société civile de moyens n’exerce pas d’activité professionnelle lui permettant de bénéficier de l’article 57 A de la loi de 1986 (CA Versailles 10 mars 2011).
En l'absence d'une définition légale, il faut considérer que le statut des baux professionnels bénéficie à toute personne physique, ou morale, quelle que soit sa forme, dès lors qu’elleexerce dans les lieux une activité professionnelle, et dont elle tire des revenus de façon habituelle.
B. Application conventionnelle d’un autre statut
1. Soumission volontaire au statut des baux commerciaux formalisée par la loi LME
Il est de jurisprudence constante que les parties peuvent convenir de soumettre leur convention à un statut particulier. C'est ainsi qu'il est admis de longue date qu’un bail professionnel peut être volontairement soumis au statut des baux commerciaux.
Selon la jurisprudence, il faut que :
- les parties aient réellement exprimé d’une façon expresse et sans équivoque leur intention de se placer sous le régime des baux commerciaux ;
- leur soumission à ce statut ne doit pas avoir pour effet de faire échec à un autre statut d’ordre public.
L’idée qui avait jusque là prévalu était que le locataire entrant ne saurait renoncer aux dispositions d’ordre public de l’article 57A, qui sont plus favorables que celles du statut des baux commerciaux.
S’agissant d’un ordre public de protection (institué non dans un intérêt général, mais pour protéger la partie la plus faible au contrat), il était admis que les parties pouvaient valablement renoncer au statut des baux professionnels, dès lors que cette renonciation était explicite et postérieure à la conclusion du bail initial. Une incertitude demeurait toutefois sur le moment où le locataire acquérait son droit à invoquer le bénéficier du statut édicté par l’article 57A, et par là même, sa faculté d’y renoncer.
Désormais, les parties sont en mesure de déroger à l’application de l’article 57A, dès la conclusion du bail.
En effet, l’article 43 de la loi LME autorise les professions libérales soumis normalement au statut des baux professionnels à se placer conventionnellement sous le régime des baux commerciaux, sans pouvoir se prévaloir du régime de l’article 57 A.
L’adoption conventionnelle du statut des baux commerciaux comportera exclusion automatique du régime des baux professionnels, sous la réserve, bien entendu que cette adoption soit claire et sans équivoque. On ne saurait trop recommander de stipuler précisément que les parties adoptent conventionnellement le statut des baux commerciaux en application du septièmement de l’article L145-2 du code de commerce et entendent en conséquence déroger aux dispositions de l’article 57A de la loi du 23 décembre 1986 en leur totalité.
2. Soumission volontaire au statut des baux d’habitation
Si le bail consenti à usage professionnel relève en principe de l’article 57 A, rien n’empêche, les parties de décider qu'il sera soumis aux dispositions spécifiques sur les baux d'habitation (CA Paris, 6ème ch. C, 30 sept. 1997). Cette extension conventionnelle, admise depuis longtemps et légalisée par la loi LME en matière de bail commercial est subordonnée classiquement à deux conditions : ne pas éluder par ce biais un autre statut d'ordre public et une volonté non équivoque des parties.
Les juges estiment que le régime juridique choisi par les parties s'applique dans sa globalité, pour le bail initial et pour le bail renouvelé (CA Paris, 6ème ch. B, 26 nov. 1998 ; Plus implicitement,Cass. 3ème civ. 10 juin 1998).
En revanche, selon une décision de la Cour de cassation (Cass. 3ème civ. 29 juin 2011 pourvoi n° 10-21465), même si les parties à un bail professionnel ont soumis leur contrat à la loi du 6 juillet 1989, le bailleur n’est pas tenu de motiver son congé délivré au locataire conformément à l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989. En effet, les dispositions d’ordre public de l’article 57A de la loi s’impose aux parties.
Le recours à un pré-imprimé spécifique aux baux d’habitation et l’absence de toute disposition spéciale du contrat précisant que les parties entendaient soumettre leur bail professionnel à la loi du 6 juillet 1989 permettaient d’établir que la volonté des parties n’avait pas été de se soumettre à la loi du 6 juillet 1989 (Cass. 3ème civ. 5 janv. 2011).
C Les modalités du congé du locataire
Le locataire peut, à tout moment, et sans avoir à motiver sa décision, notifier au bailleur son intention de quitter les locaux en respectant un délai de préavis de six mois. Le congé doit être notifié par lettre recommandée AR ou par exploit d’huissier.
De même, la Cour de cassation a sanctionné un arrêt d'appel qui avait fait joué une clause du bail restreignant la notification du congé à une échéance annuelle en rallongeant, de surcroît, le délai de préavis (Cass. 3ème civ. 2 févr. 2000).
Préavis réduit bail professionnel : comment en bénéficier ? (legalplace.fr)
Le 6 juin 2019
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