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La procédure de réquisition avec attributaire de locaux vacants


La réquisition est l’acte par lequel l’autorité administrative impose, dans un but d’intérêt général, à une personne privée, le transfert de propriété ou d’usage de son bien immobilier moyennant indemnité. En parallèle de la réquisition de droit commun (ordonnance du 21.10.45 et du 21.12.58), un nouveau régime de réquisition avec attributaire prononcée par le préfet a été institué par la loi du 29 juillet 1998.

Ce régime de réquisition créé un "intermédiaire" entre le propriétaire des locaux réquisitionnés et le bénéficiaire : l’attributaire, qui assure les travaux nécessaires à la place du bénéficiaire du logement et verse directement une indemnité au propriétaire. Il est entre autres régi par les articles L.642-1 à L.642-28 et R.641-1 à R.641-12 du Code de la Construction et de l'Habitation.

Le préfet peut réquisitionner des locaux appartenant à des personnes morales, qui sont vacants depuis plus de douze mois, dans les communes où existent d’importants déséquilibres entre l’offre et la demande de logements au détriment de personnes à revenus modestes et de personnes défavorisées.
Les locaux détenus par des sociétés civiles constituées exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus ne peuvent faire l’objet d’une procédure de réquisition avec attributaire.

La durée de la réquisition est fixée à un an au moins et six ans au plus ; cependant, en cas de travaux importants, la durée maximum peut être portée à douze ans. Les locaux régulièrement affectés à un usage autre que l’habitation peuvent, à l’expiration de la réquisition, retrouver leur affectation sur simple déclaration.

Le préfet peut nommer des agents assermentés, astreints au secret professionnel, pour l’assister dans la procédure de réquisition. Ceux-ci peuvent :
- consulter les fichiers des organismes chargés de la distribution de l’eau, du gaz, de l’électricité, du téléphone, ainsi que les fichiers tenus par les professionnels, en vue de recenser les locaux vacants ;
-  visiter, accompagnés le cas échéant d’experts, les locaux susceptibles d’être réquisitionnés, avec l’accord du propriétaire ou, à défaut, sur autorisation du juge judiciaire.
Les services fiscaux fournissent en outre au préfet, les informations nominatives dont ils disposent sur la vacance (non paiement de la taxe d’habitation notamment).

Après avoir sollicité l’avis du maire, le préfet notifie au titulaire du droit d’usage des locaux (propriétaire, usufruitier, toute personne ayant un droit d’usage et d’habitation...) l’intention de procéder à une
réquisition, la liste des éventuels attributaires et le projet de convention d’attribution, lorsque l’attributaire est une collectivité territoriale ou un organisme agréé dont l’objet est de contribuer au logement des personnes défavorisées.

La notification, qui indique les motifs et la durée de la réquisition envisagée, est adressée au titulaire du droit d’usage par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Dans les deux mois suivant la notification, le titulaire du droit d’usage peut faire connaître au préfet :
- soit son accord ou son opposition ;
- soit son intention de mettre fin à la vacance dans un délai de trois mois au plus à compter de la notification ;
- soit son engagement d’effectuer les travaux nécessaires pour mettre fin lui-même à la vacance ; dans ce cas un échéancier de réalisation des travaux et de mise en location, qui ne peut excéder vingt-quatre mois, est soumis à l’approbation du préfet. Le délai de réalisation des travaux et de mise en location court à compter de l’approbation de l’échéancier.
A compter de la réponse du titulaire du droit d’usage ou à l’issue du délai de deux mois et au plus tard quatre mois à compter de la notification de l’intention de réquisitionner, le préfet lui notifie sa décision (arrêté de réquisition, accord sur l’échéancier ou abandon de la procédure) par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Le titulaire du droit d'usage qui s'est engagé à mettre fin à la vacance ou à réaliser les travaux justifie de l'exécution de son engagement sur la demande du préfet. En l'absence de justification utile, le préfet peut notifier l'arrêté de réquisition.

En cas d’arrêté de réquisition, celui-ci indique l’attributaire et la durée de la réquisition. A défaut de retour dans les dix jours de l’avis de réception de la notification, il est affiché à la porte des locaux réquisitionnés.
A compter du retour dans les dix jours de l’avis de réception de la notification ou à défaut, à l’expiration d’un délai de dix jours à compter de l’affichage, le préfet peut requérir la force publique pour entrer dans les lieux.

L’attributaire est l’organisme auquel le local est attribué par le préfet, à charge pour lui de le mettre en location :ce peut être l’Etat, une collectivité territoriale, un organisme HLM, une SEM, un organisme agréé par le préfet et dont l’un des objets est de contribuer au logement des personnes défavorisées. L’attributaire peut réaliser des travaux, payés par lui, de mise aux normes minimales de confort et d’habitabilité.
Il donne à bail le local réquisitionné à des personnes justifiant de ressources inférieures à un plafond fixé par décret et désignées par le préfet.

Les relations entre le titulaire du droit d’usage et l’attributaire sont régies par les dispositions du Code civil relatif au louage de choses. Le contentieux entre le propriétaire et l’attributaire relève du juge judiciaire.
L’attributaire informe le titulaire du droit d’usage de la nature des travaux qu’il réalise et de leur délai d’exécution ; il lui communique le tableau d’amortissement du coût de ces travaux.

A compter de la prise de possession, l’attributaire verse chaque mois, une indemnité au titulaire du droit d’usage.
L’indemnité est égale au loyer, déduction faite de l’amortissement du montant des travaux nécessaires et payés par lui pour satisfaire aux normes minimales de confort et d’habitabilité et des frais de gestion des locaux. Lorsque le montant de l’amortissement des travaux et des frais de gestion est supérieur au loyer, aucune somme ne peut être perçue par le titulaire du droit d’usage. Les conditions de l’amortissement et du calcul des frais de gestion seront fixées par décret. Le loyer est déterminé en fonction du prix de base au m² de surface habitable, fixé par décret.
Depuis le 1er janvier 2013 le prix de base mensuel au mètre carré de surface habitable utilisé pour le calcul du loyer du logement réquisitionné est fixé à :
- 5,96 € / m² à Paris et dans les communes limitrophes de Paris ;
- 5,10 € / m² dans le reste de l'agglomération parisienne ;
- 4,25 € / m² sur le reste du territoire.

Le juge judiciaire fixe, le cas échéant, l’indemnisation par l’État du préjudice matériel, direct et certain causé par la mise en œuvre de la réquisition.
Le titulaire du droit d’usage du local réquisitionné peut exercer un droit de reprise après neuf ans à compter de la notification de l’arrêté de réquisition. Il doit, dans ce cas, avoir adressé à l’attributaire un préavis d’un an et l’avoir indemnisé, trois mois avant l’expiration du délai de préavis, du montant des travaux non amortis.
La vente ou la transmission à titre gratuit des locaux réquisitionnés n’affecte pas la réquisition.

Les bénéficiaires du logement sont des personnes justifiant de ressources inférieures à 60 % du plafond de ressources HLM et désignées par le préfet en raison de leurs mauvaises conditions de logement.
L’attributaire conclut avec le bénéficiaire (l’occupant du logement) un bail régi par la loi du 6 juillet 1989.
Certaines conditions particulières sont prévues :
- la durée du bail est d’un an ou de la durée de la réquisition restant à courir si celle-ci est inférieure à un an ;
- aucun dépôt de garantie, ni caution simple ou solidaire, n’est demandé ;
- le loyer payé chaque mois à terme échu est déterminé en fonction du prix de base au m² de surface habitable, fixé par décret (décret du 29.4.99 / CCH : L.642-23).

Ce prix est révisé au 1er janvier de chaque année par arrêté du ministre chargé de Logement en fonction de la variation de la moyenne de l’indice Insee en prenant en compte la valeur de cet indice correspondant au deuxième trimestre de l'année précédente (décret du 21.12.06 / CCH : R.642-12).
L’occupant peut donner congé à tout moment, avec un préavis d’un mois. Il ne peut céder, ni sous-louer le logement (CCH : L 642-24 et 25).

Trois mois avant l’expiration du bail intervenant avant la fin de la réquisition, le préfet peut proposer au bénéficiaire du logement un autre logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités.
Sauf motif sérieux et légitime, en cas de refus de l’offre de relogement, le bénéficiaire est déchu de tout titre d’occupation au terme du contrat.
A défaut d’offre de relogement, le bail est reconduit pour un an ou pour la durée de la réquisition restant à courir si celle-ci est inférieure à un an.
Si au plus tard, trois mois avant la fin de la réquisition, le titulaire du droit d’usage et le bénéficiaire du logement n’ont pas conclu de bail, l’attributaire peut proposer au bénéficiaire qui remplit les conditions d’attribution d’un logement HLM, la location d’un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités.
A défaut, le préfet doit proposer un logement au bénéficiaire, aux mêmes conditions. En cas de refus, le bénéficiaire est déchu de tout titre d’occupation à l’expiration de la réquisition.

Les dispositions pénales (un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende) sont prévues pour ceux qui dissimuleraient frauduleusement la vacance de locaux ou détérioreraient des locaux en vue de faire obstacle à leur réquisition.


Un décret du 24 juin 2019 précise le dispositif permettant la réquisition de locaux avec attributaire, renforce le rôle du maire en la matière et détermine les communes concernées.


les communes visées à l’article L. 642-1 précité sont celles qui figurent sur la liste annexée au décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 (JO 12 mai) relatif au champ d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l'article 232 du Code général des impôts (CCH, art. R.*642-1, mod.).

En outre, lorsque l'attributaire des locaux engage des travaux conformément aux dispositions de l'article L. 642-1, les normes minimales requises sont celles prévues par le décret n° 87-149 du 6 mars 1987
fixant les conditions minimales de confort et d'habitabilité auxquelles doivent répondre les locaux mis en location, si la réquisition a pour objet d'assurer le logement des personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 642-5.

Si les locaux sont réquisitionnés dans l'objectif d'assurer l'hébergement d'urgence de personnes sans-abri, des travaux peuvent être réalisés par l'attributaire afin de les accueillir dans des conditions conformes à la dignité de la personne humaine, garantissant la sécurité des biens et des personnes, et permettant de les faire bénéficier de prestations assurant le gîte, le couvert et l'hygiène conformément aux dispositions de l'article L. 345-2-2 du Code de l'action sociale et des familles (art. R.642-2 CCH.).

Il est précisé, à l’article L. 642-1 du Code de la construction et de l’habitation,que les locaux régulièrement affectés à un usage autre que l'habitation peuvent, à l'expiration de la réquisition, retrouver leur affectation antérieure sur simple déclaration. Cette dernière doit être adressée au préfet par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (art. R 642-3 CCH).

La demande du préfet par laquelle celui-ci sollicite l'avis du maire sur un projet de réquisition doit désormais comporter également toutes les informations relatives à l'usage prévu pour chacun des locaux dont la réquisition est envisagée, la liste des éventuels attributaires et les caractéristiques des bénéficiaires envisagés pour la réquisition (art. R.642-7 CCH.).

Aux termes de l’alinéa 3 de l’article L. 642-1 du Code de la construction et de l’habitation, lorsque les locaux sont situés dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, la réquisition n'est possible qu'après l'accord du maire de la commune où les locaux sont implantés. Le décret précise que le préfet ne peut notifier sa décision au titulaire du droit d'usage qu'à la réception de l'accord du maire de la commune. Cet accord est réputé favorable si le maire de la commune n'a pas fait connaître son opposition dans le délai de deux mois à compter de la date de notification de la demande d'accord (art. R.642-8 CCH.).

Enfin (art. R.642-9 CCH.), pour le calcul de l'indemnité versée par l'attributaire au titulaire du droit d'usage, conformément aux dispositions de l'article L. 642-15, les travaux sont amortis sur la durée totale de la réquisition. Si des subventions ont été perçues par l'attributaire pour les travaux, elles sont déduites de leur coût pour le calcul de l'amortissement lorsque la réquisition a pour objet d'assurer le logement de personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 642-5.
Elles peuvent l'être, en tout ou partie, lorsque la réquisition a pour objet d'assurer l'hébergement d'urgence de personnes sans abri mentionnées à l'article L. 345-2-2 du Code de l'action sociale et des familles.

Lorsque la réquisition a pour objet d'assurer le logement de personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 642-5, le montant des frais de gestion est fixé en tenant compte du coût réel de gestion des logements dans la limite de 8 % du montant des loyers perçus par l'attributaire.


Sources : https://www.caissedesdepotsdesterritoires.fr/cs/Co...
https://www.village-justice.com/articles/requisiti...


Le 22 octobre 2018 mis à jour le 28 juin 2019

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