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La cession du droit au bail commercial


Le droit au bail est donc la contrepartie économique des avantages que constitue la reprise d’un bail existant, comportant des clauses plus ou moins avantageuses et l’existence d’un loyer qui peut apparaître sensiblement différent des loyers pratiqués sur le marché. L’existence, le cas échéant, d’un loyer moindre est la résultante directe des articles L.145-33 et L.145-34 du Code de commerce définissant les modalités de fixation de la valeur locative des baux commerciaux, dans des contextes de renouvellement.

Le droit au bail a une valeur patrimoniale et appartient au titulaire du bail commercial au titre de composants de son fonds à l’instar des éléments corporels comme le mobilier ou les stocks, ou incorporels (clientèle, marques, licences, etc.). Il est donc susceptible de le céder, ce à quoi le propriétaire des murs ne peut s’opposer en principe même si certaines clauses du contrat de location peuvent en limiter la portée.

Lors d'une cession de droit au bail, le bail subsiste, seule change la personnalité du locataire. L’article L. 145-16 du Code de commerce répute non écrites, les conventions interdisant au locataire de céder à l’acquéreur de son fonds de commerce ou de son entreprise soit son bail, soit les droits qu’il détient en matière de renouvellement.

Les parties prévoient en général l’obligation lors de la cession du bail commercial d’obtenir l’accord préalable du bailleur. La clause d’agrément permet au bailleur d’avoir un contrôle direct sur la cession ; il s’assurera ainsi que le repreneur potentiel lui convient et que celui-ci remplit les conditions de solvabilité et de fiabilité attendues. Il peut arriver que le bailleur refuse la cession. Étant précisé que face à un refus abusif du bailleur, le locataire pourra obtenir l’autorisation en justice.
La Cour de cassation retient de façon constante que le bailleur ne peut discrétionnairement refuser la cession du droit au bail sans invoquer de motif légitime (Cass. Civ. 3ème, 15 juin 2011,
n° 10-16.233).
Face à un tel refus, le locataire sera invité à agir en justice afin d’obtenir l’autorisation judiciaire de procéder à la cession.  Les juges peuvent outrepasser l’agrément du bailleur et autoriser eux-mêmes la cession voire, dans certains cas, accorder des dommages et intérêts au locataire.

Le bailleur peut également stipuler au bail qu’il souhaitera être présent lors de son éventuelle cession. Cette clause est de facto moins contraignante qu’une clause d’agrément. Elle permettra au bailleur de s’assurer que la cession est effectuée dans les règles et que le cessionnaire s’engage à reprendre les engagements du cédant.Que faire face à un bailleur ne répondant pas à la demande d’intervention qui lui est adressée ?
En tout état de cause, si le bailleur ne répond pas, il est conseillé de le sommer d’intervenir et de ne signer aucune cession en attendant sa réponse.En l’absence de réponse, plusieurs options sont envisageables comme la conclusion de l’acte sous la condition suspensive d’accord postérieur du bailleur ou l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception à l’attention du bailleur afin de porter à sa connaissance à la cession à venir.
Toutefois, il est à noter que l’absence volontaire du bailleur tout au long des actes de cession alors même qu’il y avait été appelé ne peut ensuite être avancé par lui pour dire qu’il n’a pas accepté le cessionnaire.


Enfin, le bail peut prévoir un droit de préemption au profit du bailleur lorsque le locataire envisage de vendre son fonds de commerce.


L’évaluation d’un droit au bail consiste donc à apprécier la valeur de l’ensemble des différents avantages dont va bénéficier le locataire pendant une période de temps variable. Cette durée est appréciée par l’expert immobilier sur la base de la qualité de la situation du fonds mais également la pérennité de ladite situation.
La valeur du droit au bail est généralement inversement proportionnelle au montant du loyer versé dans le cadre du bail. Elle croit avec la durée prise en considération et les degrés de protection ou les avantages dont bénéficie le locataire en vertu du bail.
Il convient de bien distinguer le droit au bail du fonds de commerce dont il est l’un des composantes et la valeur à minima, de jurisprudence constante et ancienne.

Le droit au bail n’est pas le « droit d’entrée » ni même le « pas de porte » qui s’analysent quant à eux, comme la contrepartie d’avantages lors de la conclusion d’un bail, d’un avenant ou du renouvellement de celui-ci, et qui sont versés directement au propriétaire. Le bénéficiaire n’est donc pas le même.
Le droit d’entrée ou pas de porte constitue en fait la contre-valeur en capital d’un loyer et dispose d’un régime juridique et fiscal sensiblement différent de celui du droit au bail. Ce sujet est complexe et tend à se préciser au vu de la jurisprudence la plus récente.

La cession du droit au bail est une cession de créance, c’est-à-dire que le cessionnaire devient titulaire des droits qui sont nés du bail et peut s’en prévaloir auprès du bailleur. En pratique, les baux incluent une clause de solidarité entre le cédant et le cessionnaire qui joue pour le paiement des loyers et charges, ainsi que l’exécution des obligations du bail. Cette clause a pour effet de rendre le cédant codébiteur solidaire du cessionnaire à qu’il cède le bail, vis-à-vis du bailleur.
Toutefois, cette clause doit faire l’objet d’une attention particulière puisque la jurisprudence les interprète strictement. Cette garantie prendra fin lorsqu’un congé aura été délivré au cessionnaire ou à l’expiration du bail au cours duquel la clause aura été introduite. En revanche, en cas de tacite reconduction du bail, celui-ci se poursuit donc, et la clause continue de jouer. La garantie prendra également fin en cas de renouvellement du bail, sauf à ce que le bail initial prolonge son effet pour le bail renouvelé.

La loi Pinel est venue limiter cette garantie solidaire afin de préserver les droits du cédant. Elle énonce que :
- Le bailleur ne peut invoquer la clause de garantie que pendant une durée de trois ans à compter de la cession du bail (L. 145-16-2 du Code de commerce).
- Le bailleur doit informer le cédant de tout défaut de paiement du locataire dans le délai d'un mois à compter de la date à laquelle la somme aurait dû être payée (L. 145-16-1 du Code de commerce) ; ce délai venant protéger le cédant contre un bailleur de mauvaise foi qui ne l’alerterait de la défaillance du cessionnaire que plusieurs mois ou années après qu’il en a eu connaissance.

 

La vente du droit au bail requiert de respecter plusieurs règles, à commencer par la signification de la cession au bailleur, ainsi que l’établissement d’un état des lieux préalable.
1°) Un état des lieux préalable : l’article L. 145-40-1 du Code de commerce impose, entre le bailleur et le cessionnaire, un état des lieux lors de l’entrée en possession des lieux. Cette exigence est à l’origine de litiges, notamment lorsqu’à l’issue de l’état des lieux, il est constaté que le local commercial a subi des dégradations ou a fait l’objet de travaux non autorisés.
2°) Signification de la cession au bailleur : s’agissant d’une cession de créance, la cession de droit au bail doit être signifiée au bailleur. Elle est visée à l’article 1690 du Code civil. Sanction du défaut de signification de l’acte : en l’absence de respect des mentions de l’article 1690 du Code civil, la cession n’est pas nulle mais ne peut être opposée aux tiers et donc au bailleur. Cette signification doit avoir lieu quand bien même la cession du droit au bail s’effectuerait au profit de l’acquéreur du fonds de commerce.
Le défaut de signification rendra donc le bail inopposable au bailleur qui pourra en refuser le renouvellement au cessionnaire sans lui verser une quelconque indemnité ; libre à lui de demander également la résiliation du bail.

La loi PINEL du 18 juin 2014 instaure un droit de préférence au profit du locataire qui occupe le local lors de sa vente. Par conséquent, le locataire est informé en priorité par son bailleur du prix et des conditions de la vente et dispose d'un délai d'un mois pour accepter l'offre et ensuite de deux mois à compter de son acceptation pour réaliser l'achat.

Par exception, le locataire est privé de ce droit de préférence s'il s'agit, notamment, d'une cession au copropriétaire d'un ensemble commercial ou d'une cession au conjoint du bailleur, à un ascendant ou descendant du bailleur ou de son conjoint.
Cette règle s'applique aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er décembre 2014.
De même, les communes bénéficient également d’un droit de préemption lorsque le bail commercial se situe dans un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité.

Les sanctions d’une cession irrégulière sont :
- L’inopposabilité de la vente : l’inopposabilité de la cession peut provenir du non-respect des formalités de signification (prévu à l’article 1690 du Code civil) ou du non-respect des stipulations contractuelles (comme la nécessité d’obtenir l’agrément du bailleur). Cette inopposabilité va jouer dans les rapports entre le bailleur et le cessionnaire et dans les rapports entre le bailleur et le cédant.
- L’extinction du bail commercial.
- La résiliation du bail : la résiliation du bail peut, par exemple, être obtenue de plein droit par application d’une clause résolutoire en cas de cession de bail irrégulière. Le bailleur peut également demander la résiliation judiciaire du bail en invoquant dès lors une gravité suffisante, souverainement appréciée par les juges du fond.
- Le refus de renouvellement du bail : le bailleur peut également refuser le renouvellement du bail sans avoir à payer d’indemnité, s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire sortant.
- La réparation du dommage subi par le cessionnaire évincé : le cessionnaire évincé qui doit quitter les lieux après résiliation du bail ou après refus de renouvellement peut agir en responsabilité civile contre le cédant.


Fiscalement, pour le locataire qui cède le bail, la vente du droit au bail est prise en compte pour la détermination du bénéfice imposable au titre des Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC). Pour le cessionnaire, le droit au bail est soumis aux droits d'enregistrement. Il figurera à l'actif de son bilan en tant qu'immobilisation incorporelle non amortissable (compte 206).


Pour en savoir plus sur le bail commercial


Sources : La cession du bail commercial : mode d'emploi (2022) (legalplace.fr)

La cession du droit au bail commercial. Par Jean-Loïc Tixier-Vignancour, Avocat. (village-justice.com)

Bail commercial : la cession du droit au bail | Notaires du Grand Paris

Le 29 mars 2019

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